samedi 13 février 2010

NEW NEW NEW WAR WAR WAR (2001)


House of Chadula # 2001E

New New New War War War (EC) / Dachau Blues (D. Van Vliet) / Cardboard Box / That's That (EC) / A Hole in the Pentagon (EC) / Santo Domingo (Phil Ochs) / Embassies / The Shah Sleeps in Lee Harvey's Grave (Butthole Surfers) / Sooner or Later (Doug Sahm) / Lost Ones (Lauryn Hill)

EC : guitars, banjo, vocals
The Chadbourne Baptist Church (3)
Immigrant Sons (7)
NoahJohn (8)

La pochette est un détournement de formulaire postal: à la question "What should make me suspect a piece of mail?" la réponse est: "You are paranoid". Et Chadbourne ajoute: "the mailman is dead","It's handwritten with blood" et, pire que tout, "It's from Dr Chadbourne". Enregistré et publié en 2001, le disque fleure bon le climat anxiogène du début du millénaire, les attentats du 11 Septembre, et on y décèle des parfums d'anthrax. Collection de protest-songs impeccables, c'est un must dans le genre. La plupart des chansons sont du docteur lui-même, comme l'excellent et jazzy New new new war war war, That's that, sur la question de la libéralisation du cannabis, le narquois Embassies ou ce Hole in the pentagon furieusement d'actualité: avec House of Chadula, son label maison, le docteur dégaine encore plus vite qu'un reporter au coeur de l'action, composant, enregistrant et publiant le disque en moins de temps qu'il n'en faut pour envoyer une dépêche AFP. Le docteur se fend aussi de reprises réjouissantes: le Dachau blues de Captain Beefheart (avec son couplet final "Beggin' the Lord don't let the third one land/ On World War Three/ On World War Three", là encore plus que jamais d'actualité.), une chanson de Phil Ochs (Santo Domingo), l'inénarrable The shah sleeps in Lee Harvey's grave des Butthole surfers, capté en live, le magnifique Sooner or later de Doug Sahm, et une déconcertante version longue au banjo du Lost ones de Lauryn Hill (dont une version étoffée et vraiment funkybournienne se trouve sur Country Protest Anew). Essentiellement seul sur ces titres dépouillés, Chadbourne est accompagné de la Chadbourne Baptist Church sur Cardboard box (version qu'on retrouve sur The competition of misery), de Noah Jones ou des Immigrant sons. Un disque tout aussi essentiel que l'excellent Songs, dans la catégorie Protest stripped to the bone.
ALG

Qu’ils soient ou non engagés les artistes usent de la créativité et de l’humour en remparts contre le conformisme et la bêtise. Toute innovation esthétique porte en germe la critique d’un ordre établi et l’écho d’une résonance politique, sans le besoin d’un discours explicite, même si parfois le recours à la parole s’impose… Chadbourne n’est pas seulement un créateur illuminé et un entertainer doué mais aussi un citoyen résistant qui exprime sa protestation à travers sa musique. Le cauchemar de la deuxième guerre en Irak, accompagné de son climat de terreur et de paranoïa exacerbée, lui offre une nouvelle opportunité de déployer ses armes pacifiques de reconstruction massive des consciences, sans violence terroriste.
Il s’inscrit à la fois dans la tradition des protest singers américains et dans la mouvance libertaire éclose depuis les années soixante, tel un hors-la-loi sur les traces d’Hank Williams et Archie Shepp.
Après Country Protest, Corpses of Foreign War, The President He is Insane, The New War relance la série des albums sur le thème de la critique et de la satire politique, suivi de près par Homeland Security, Don’t Burn The Flag Let’s burn the Bush, To Prevail or not to prevail, I support The Troop and I Want My Money Back.
Comme souvent avec les productions House of Chadula, l’album compile des nouvelles versions de titres enregistrés par le passé, des compositions inédites et des morceaux provenant d’anciens albums. « New New New War War War » est un détournement de thème bon enfant (genre air léger de Broadway) jouant sur le contraste entre musique légère et humour noir du texte (à la manière de “Hello Ceausescu” ou “The Girl from Alkaida”) dégageant insidieusement avec fraîcheur et fausse candeur les relents d’une réalité fétide. La reprise du « Dachau Blues » de Beefheart (Trout Mask Replica), poisseuse à souhait, trouve naturellement sa place dans le contexte, de même que « Cardboard Box » (extrait de Communication is Overrated, avec le collectif à géométrie variable Chadbourne Baptist Church), ritournelle musicale désabusée exprimant au propre comme au figuré les redites de l’histoire. « That’s Thats » (tiré d’End To Slavery) et « A Hole in the Pentagon », évoquent un Dylan ironique et acerbe, l’originalité du jeu de guitare en plus. « Santo Domingo » est une nouvelle reprise de Phil Ochs (autre grand chanteur agitateur politique exerçant une influence directe) distillant une sorte de tristesse inéluctable que ne parvient pas à chasser l’approximatif et vaguement enjoué « Embassies » (en compagnie des Immigrant Sons, groupe fréquenté par Frank Pahl). Plus péchu mais guère satisfaisant : « The Shah Sleeps in Lee Harvey's Grave” (souvent joué à l’époque du premier Camper Van Chadbourne) est la première trace enregistrée avec Noah John, qu’on retrouvera sur l’excellent Country Protest Anew.
Eugene garde le meilleur de lui même pour les titres en solo, comme cette brillante partie de guitare de « Sooner or Later » reprise de Doug Sahm bien plus convaincante que celles qui figurent dans le deuxième volume des Texas sessions. Le « Lost Cause » de Lauren Hill est moins funky et excitant que celui de Country Protest Anew mais impressionne par sa construction rugueuse et multiphonique de banjo qui fuse de partout comme une impro d’Evan Parker. Une belle fin pour cet album inégal et bancal musicalement mais à l’éthique irréprochable.
EG

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