dimanche 31 janvier 2010

VERMIN OF THE BLUES - With EVAN JOHNS and the H-BOMBS (1987)

Classique Chadbournerie, Vermin of the blues est le fruit d'une collaboration avec Evan Johns et the H bombs (voir aussi Terror has some strange kinfolk, mais celui-ci est supérieur). Chadbourne livre ici un chef d'oeuvre très accessible, sans pour autant renier ses étranges marottes: les morceaux, toujours carrés et trempés dans l'eau du fleuve rock'n'roll, sont impeccables, énergiques, et Chadbourne caracole là-dessus avec un enthousiasme contagieux. Entrecoupés de lambeaux de radio (une émission où Eugene terrorise tout le monde en faisant une démonstration de rake, son rateau à feuilles mortes branché sur une pédale metal zone), ils sont de première qualité, du rock'n'roll We tried to make a record... au Bo Diddlesque Bo Diddley is a communist, de la complainte au banjo Breaking the law every day à la reprise (?) de Batman (ici rebaptisée Rakeman, énorme massacre sonique au rake, mais coulé dans le moule d'un rythme impeccable, le meilleur moyen peut-être de découvrir les vertus du rateau électrique quand on est un chouille allergique au déversement de plomb fondu). Chadbourne enchaîne les morceaux imparables, dont le fameux Johnny Cash in the Phillipines, détournement politique de Ring of fire, le Rebel rouser de Duane Eddy (sous LSD, avec injections de Tex Avery et carambolages de guitares à mile cordes), le Keep a knockin de Little Richard (version assez sage, si je puis m'exprimer ainsi, mais celle de Little Richard, quand on la réécoute objectivement, plaçait la barre psychiatrique assez haut déjà), le Psychotic reaction des Count Five (cette distorsion!) et s'achève dans le grand n'importe quoi d'un Rockabilly medley velu et rouflaquettu, mais aussi schizophrénu.
ALG


samedi 30 janvier 2010

CHADBOURNE BAPTIST CHURCH III (1991)

CHADBOURNE BAPTIST CHURCH vol III
House of Chadula # 1991B

Bitches Brew (Miles Davis) / Rollin Stone / Jack Johnson Dustbuster / Let's Go Back In Time (EC) / Burma Shave (R. Miller / City Of Corruption (EC) / They Can Make It Rain Bombs (EC) / Ayler Tribute : Ghost/March (Albert Ayler) / Tim Buckley medley : I Must Have Been Blind/Chase the Blues Away/Strange Feelings / Mean Woman.

L.A. Church (Al's Bar, feb. 1990) :
EC : guitars, banjo, voice
Lynn Johnston : reeds
Jim Richie : trombone
Johnathan Mako Sharkey : keyboards
Owen Green : bass
Brad Gepner : drums
NYC Church (Knitting Factory, march 1990) :
EC
David Henderson : tenor sax
Nancy Campbell : alto sax
Paul Hoskin : baritone sax
Leslie Ross : bassoon
Murray Reams : percussion
Bob Jordan : bass, booking agent
David Doyle : French horn, mandolin
Boston Show ( Ground 0, march 1990) :
EC
Murray Reams : percussion
Bob Jordan : bass
Mark Fox : reeds, small instruments
Chris Turner : harmonica

Ce troisième volume présente des moutures différentes de la Chadbourne Baptist Church, existant moins comme groupe que comme entité collective amenée à changer selon la géographie du lieu et en fonction de la disponibilité des musiciens prêts à participer (tous ne sont pas crédités ici). De la multitude d'enregistrements diffusés par le passé sur cassettes, Eugene pioche des extraits de trois concerts de 1990. Même si le son des vieilles bandes est parfois épouvantable, ce disque mérite l'attention puisqu'il laisse entendre le déroulement en live sans le mixage agité des deux premiers cds (bien que subsistent encore quelques coupes franches...). On retrouve en partie le répertoire et l'approche stylistique de formations telles que The Chadbournes (« Burma Shave »), Shockabilly (« City Of Corruption"), Camper Van Chadbourne (le medley Tim Buckley), le Jack & Jim Show (" Rollin Stone") sagement revisitées mais sans surprises, sinon les belles interventions de Chris Turner à l'harmonica. C'est avec les reprises d'Albert Ayler et de Miles Davis que la troupe propage la flamme incendiaire, alimentée par la tension du riff de "Bitches Brew" enroulé d'excroissances bruitistes, d'orgue cheesy, de cuivres saturés, de rales free et de guitare wah wah. "Jack Johnson Dustbuster" suit les mêmes circonvolutions furieuses avec ses saturations de sax déformés d'effets électroniques tandis que "Ghost" et "March" laissent exploser des déflagrations soniques poussées dans une hypertension paroxystiqueallant crescendo. De belles réjouissances qui accompagnent les moments forts d'un album cependant inégal dans l'ensemble.

EG

CHADBOURNE BAPTIST CHURCH - Meetin' 1 (1989)

CHADBOURNE BAPTIST CHURCH - Meetin' I
Delta Recording Company Cd 1
House of Chadula #1989A

unidentified nurse Becky from Dr. Kimbrough' office calls with sperm report / Piddle House / Dr Chadbourne's office incorporates a tribute to universal horror movies within its phone message / Response of Jimmy Carl Black / Pillhappy Principal / Another Day Gone Lawman Wrong / Lenny Kaye takes call pressuring him about Chadbourne album production / The High Safeway / Acoustic guitar and mandolin with Chadbourne and David Doyle / Brief complaint from Lenny Kaye about instrument switching / Our Neighborhood / Budget discussion with Lenny Kaye / Discussion with booking agent Robert Jimeniz whgile group plays Albert Ayler's Ghost / Banjo accordian duo with Gil Fray / Lenny Kaye complains to record company about Chadbourne's attitude / Lizzie Chadbourne presents somewhere over he rainbow / Molly enters and says "Whoa" several times / Jack Johnson Dustbuster / Dreamt I Was Young Again / Troggs producer steps in to help Murray with his drumming / Mark Fox and his twin brother play Ghosts by Alber Ayler / Agent Bob Jordan attempts to interest clubowner "Randy" in putting on a Chadbourne Baptist church meeting / Want Everything / Freebird / Ghosts / Curling / Cocaine for Children / Air of Authority / Bernadette Gnossiennes / Jack Johnson Rake / Preachin' Blues / People Want Everything / Godfather Theme / Chinese Soup / ... / People Want Everything.

EC : voice (need lessons), guitars, banjo, harmonica, etc
Shep the Hep (Tom Sheppard) : homemade electric bass, electronics
Murray Reams : drums, percussion, boss truck
Bob Jordan : bass, phone calls, sound effects
Mark Fox : reeds, small instruments
Chris Turner : harmonica, misc.
Gilfred Lee Fray : saxophones, accordion, voice, alto saxophone
Rudy Hinnant : baritone sax, voice
Dakota Joe Dunn : electric harmonica
David Doyle : french horn, mandolin
Lenny Kaye : pedal steel, big label production finesse
David Henderson : tenor sax
Jay Hopkins : tenor and soprano sax
Doug Henderson : electric guitar
Jonathan Segel : electric mandolin
Victor Krummenacher : electric bass
Gaham Connah : keyboards
Manuel Norieja : japanese electric bass
Jimmy Carl Black / Lizzie and Molly Chadbourne / Bob Jordan / Duane/ Ken Carnes : speak

Vous êtes invités à rejoindre les adeptes de la Chadbourne Baptist Church, communauté plus protestataire que protestante qui prône les vertus du désordre extatique et érige l'improvisation en guise de sainte écriture. Conçu à l'origine comme une structure ouverte aux musiciens locaux conviés à participer à la relecture des arrangements imaginés par le maître de cérémonie, la formation rassemble finalement plus ou moins les mêmes têtes (la plupart étant de Greensboro) mais fonctionne toujours comme une auberge espagnole accueillant les individus libres d'apporter leur contribution à une vie collective en ébullition. Le groupe se produit activement entre 1989 et 1991, lors de nombreux concerts largement documentés sur cassettes (répertoriées par lettres, d'ou ce « Meetin' I »). Le montage de l'album répond au fractionnement et à la folie qui contamine des morceaux assemblés à partir de prises live ou studio, et comme souvent entrecoupées d'interludes (dialogues de films, appels téléphoniques, commentaires des protagonistes, fragments musicaux) opérant une mise en abîme kaléidoscopique sur la production du disque. Un processus qui culmine au délire avec «Curling» (« composition » de Zorn) transformé en bouillon de culture anarchique. Tout ce savant mixage bizarroïde gorgé de surprises et d'effets de réverb reste au service de la diversité des styles explorés : jazz country, protest song, folk, bordel zappaien, balade émouvante (le délicat Dreamt I was Young Again), free jazz, groove sauvage (« Jack Johnson Rake »), guitares psychées, banjo roots, accordéon déphasé, cuivres colorés... le tout s'organisant dans un ensemble brinquebalant mais cohérent.
La réédition House of Chadula comprend 20 minutes de bonus...
EG



I'VE BEEN EVERYWHERE (1988)

Paru chez Fundamental, I've been everywhere fait partie des disques classiques du docteur Chadbourne, avec, au hasard, Country protest, Corpses of foreign war, Vermin of the blues... Il offre une colletion de chansons tarées, de country tronquée, empruntée tantôt à Hank Snow (I've been everywhere), à Buck Owens (Buck Owens medley), etc... Le tout est saboté par les explosions de choses à cordes (guitare? banjo? guitjo? bantare?), les interventions de Fidel Casio, virtuose du clavier débile, du Legendary stardust cowboy (est-il vraiment là, où sont-ce des extraits prélévés directement dans la moelle épinière de vieilles cassettes?), entrecoupé d'enregistrements de la mère d'Eugene, qui se souvient des années du nazisme et de la guerre (qu'on retrouve sur Communication is overrated), et de vrais morceaux de répondeur téléphonique (un type de l'Association médicale de San Francisco qui accuse le docteur d'exercice illégale de la médecine).
ALG

vendredi 29 janvier 2010

C INSIDE - Avec THOMAS LEHN (1999)


Grob 205
Live recorded on june 9th, 1999 at Stadtgarten, Cologne

Crossroads (incl. « Hickory Wind » by Gram Parsons) (EC/TL) / Intersection (EC/TL) / Line out (EC/TL).

EC : deering goodtime banjo, modified guild slim Jim acoustic electric guitar, various objects, vocals
TL : EMS synthi ‘a’ analogue synthesizer

Le projet Chadlehn est l’association bicéphale entre Chadbourne et Thomas Lehn, connu pour son usage inusité des synthétiseurs analogiques vintage. L’allemand n’est pourtant pas qu’un bidouilleur électronique puisqu’il jouit par ailleurs d’une solide formation et d’une pratique aguerri comme pianiste, compositeur et improvisateur, expériences dont il sait tirer profit à l’occasion de ses multiples et aventureuses rencontres (entre autre le passionnant KONK PACK). Les morceaux ont été enregistrés lors de concerts organisés à Cologne, où étaient également présents les québécois René Lussier et Martin Treteault. Il existe d’ailleurs un témoignage (non officiel) de la rencontre entre les quatre hommes qui forment ce qu’il est convenu d’appeler un «supergroupe » de rêve. La musique du duo est un tissu improvisé de banjo mêlé aux particules de synthèse générées par la machine sous forme d’associations surprenantes, grâce au talent de manipulateur et à la dextérité de l’ovni Lehn, qui dépoussière et ressuscite cet instrument à l’origine outil de recherche sonore (années 50 et 60) avant de devenir trop souvent une attraction de foire (années 70) ou un objet de standardisation pop (années 80). C’est Lehn qui tient les commandes principales durant ce voyage extraterrestre, parfois ardu mais captivant. Les impros suivent malgré tout des schémas classiques inhérents à cette pratique, faite de tensions, d’exacerbations et de relâchements, de dialogues d’observation ou d’obstruction, de mises à distance et parallélisme ou au contraire d’imbrications de phrases en contrepoint. Une formule risquée qui on le sait est capable de produire les moments les plus excitants tout comme des passages à vide…
C inside reste une curiosité et une expérience intéressante qui devraient ravir les fans de triturations sonores, à défaut de convaincre les amateurs de country ou de jazz. Ce projet forme en tout cas un des duos les plus ludiques au coté de Possibilities of The Colour Plastic (avec Toshinori Kondo) ou 21 years Later (avec Han Bennink).
EG

HET GROTE SCANDAL - THE BANJO DUET (2000)

53 - HET GROTE SCANDAL - THE BANJO DUET

House of Chadula #2000F

Marshall Blueberry / De Incal Van Het duiste / Bourgeon suize / Legend de Kakhert? / Tardi (to Spencer Davis) / 120 rue de la Gare part 2 / kyle Van Klanach? / Indien Saat ? / Spads / Micheluzzi? / Horizon / Ist Nassaustvaat? / ...?

EC and Volkmar Verkerk : deering goodtime 5-string, deering long-neck 5-string, korean nylon strung 5-string, excellent quality classical guitar, bad quality classical guitar, piano, percussion, trombone, various wood flutes.

La formule du duo a généralement la faveur des musiciens improvisateurs, non seulement pour des raisons musicales évidentes (l'équilibre des forces) mais aussi par commodités matérielles, non négligeables pour des artistes majoritairement en situation pour le moins précaire. Chadbourne ne déroge pas à la pratique et on ne compte plus le nombre de ses collaborations sous cette forme, en concerts ou sur disques, à l’exemple de Boogie with The Hook qui présentait déjà un long extrait du travail avec le hollandais Volkmar Verkerk. C’est à nouveau depuis Amsterdam et sous le nom trompeur de « The Banjo Duet » (ils utilisent en fait une multitude d’instruments) qu’ils sévissent derechef.
Malheureusement - au regard de l’alchimie qui prévaut entre autres dans les joutes avec Paul Lovens, Frank Lowe, Charles Tyler ou encore Han Bennink - les deux hommes peinent à établir un dialogue pleinement convaincant et donnent parfois le sentiment d’une juxtaposition stérile de leur voix, au lieu d’une forte émulation interactive. L’inspiration est fluctuante et le fil de l’improvisation trop relâché pour retenir l’attention dans la durée d’une musique à la démarche pourtant exigeante et sympathique, où les tentatives d’excursion instrumentales hors des sentiers battus de leur maîtrise technique, ont tendance à vite avorter. Un résultat donc très inégal, avec malgré tout de bons moments (quand ils s’en tiennent à leur instrument de prédilection) et quelques sursauts d’énergie qui chassent la torpeur qui tend à gagner progressivement l’auditeur. Ajoutons à cela l’économie des effets spectaculaires et le choix de tempos lents, qui n’aident pas à l’accroche d’une séance, par ailleurs originale et inattendue (cf les couleurs ethniques de la flûte et des cordes en fin de la plage 1), qui ne méritait sûrement pas d’être éditée dans son intégralité.
EG

LUST CORNER - Avec NOEL AKCHOTE et MARC RIBOT -


Projet emmené par le guitariste expérimental Noël Akchoté, Lust Corner est une tapisserie à trois brodeuses: Akchoté donc, mais aussi Marc Ribot, et le diabolique docteur, ici tout entier au service de la musique. Pas de pitreries donc, mais de la guitare, trois guitares s'entrecroisant et jouant au point de croix, autour de compositions d'Akchoté, mais aussi d'Ornette Coleman (Peace warriors, ...), et quelques unes de Chadbourne (Dirt, Chadology composé avec Akchoté, etc...). Le tout est passionnant: le son est excellent, les guitaristes alternent sons d'ampli, wah-wah, guitares réverbérées, et se répondent finement. Une discussion à bâtons rompus entre guitares bavardes et habitées.
ALG

jeudi 28 janvier 2010

DEPRESSION MEDLEY, in TINY TIM "I LOVE ME" (1996)


Eugene Chadbourne intervient sur la piste 16 de cet album de Tiny Tim, Depression medley: l'homme au ukulélé qualifiait lui-même ce morceau dadaïste, dans la plus pure tradition des tape madness chadbournisques, de "mon Revolution number nine à moi". Il semble que Chadbourne ait été autorisé à s'y ébattre librement, transformant le jardin de Tiny Tim en alpages grésillants farcis de troupeaux de moutons lysergiques. Son Number nine, mais aussi son Sacre du printemps passé en vitesse 45 tours, son Läther de Zappa à l'envers, sa Symphonie héroïque mâchée par un cyclope redneck, dont les carreaux de la chemise sont tous brisés, dévoilant des barreaux sciés. Merci Emmanuel!
ALG

CORPSES OF FOREIGN WAR (1986)



Fundamental Cd
Fundamental Lp
House Of Chadula # 1986A

Der Fuehrer's Face (Oliver Wallace) / Mayor's New Law (EC) / Why Kids Go to School (EC) / Feel Like I'm Fixin' to Die (McDonald) / Cops of the World/Nicaragua (Kramer/Ochs/Sanders) / 10 Most Wanted List (EC) / I'm Your Neighbor (EC) / Better Comin' Out Than Goin' In (EC) / Bully Song (EC) / Fables of Faubus (Mingus) / Kkkremlin (EC) / They'll Never Lock Him Up (EC) / Sex With the Sheriff (EC) / Corpses/Pol Pot/Creator Medley (EC/Sanders/Thomas) / Phil Medley (Ochs).

EC : lead vocals, electric and acoustic 6-string and 12-string guitars, 6-string banjo
Brian Ritchie : acoustic 8-string and fretless bass, 12-string guitar, conch, jaw harp, nose flute, slide whistle, piccolo, vocal
Victor de Lorenzo : snare drums, bass drum, tom-toms, coktail drum, trance-a-phone, bells, train whistle, triangle little cymbals, vocal
Peter Balestrieri : alto and barytone saxophones, harmonica, vocal, kramene

C’est l’écoute en boucle de la cassette de Country Protest, dans leur bus de tournée, qui incitera les Violent Femmes à rencontrer Chadbourne qui, après les collaborations avec Camper Van Beethoven et Evan Johns, bénéficie d’une nouvelle opportunité de mieux se faire connaître en dehors des milieux de l’avant-garde.
Après la sortie de « The Blind Leading the Naked », les Violent Femmes se séparent temporairement et tentent de nouvelles expériences en solo, même s’ils figurent encore presque au complet (sans Gordon Gano) pour ces sessions de décembre 86. A l’époque ils sont encore ce groupe arty décalé aimant mélanger les genres, un des premiers à marier l’esprit du punk à ceux du country-rock et du folk, prets à ajouter des gens comme John Zorn (Hallowed Ground) à sa mixture, ce qui fait déjà beaucoup de points communs avec l’auteur de There’ll be no tears tonight.
Corpses of Foreign War est un recueil de protest song largement supervisé par Chadbourne, responsable de la majorité du répertoire. On retrouve la couleur et le son typiques de la bondissante rythmique Lorenzo / Ritchie (génial d’efficacité à la contrebasse) accompagnant un Chadbourne survitaminé et, plus surprenant, juste et bon vocalement (« Cops of The World», version passionnée de « 10 most Wanted List »), jubilant dans l’imitation des accents et des tics vocaux. Le soufleur Peter Balestrieri s’ajoute ponctuellement au trio pour quelques encarts bienvenus.
Parmi les moments forts on retiendra en particulier le clin d'oeil hilare à Spike Jones (« Der Fuehrer's Face”, tiré du dessin animé Disney de 1943), l’interprétation du fameux Fable of Faubus (en référence aux mesures racistes anti-noirs du gouverneur de l’Arkansas en 1957), avec ses accélérations et ses changements rythmiques chers à Mingus. “Why Kids Go to School” est une ligne punk entrecoupée d‘impros potaches qui font mouche, tout comme l’accompagnement illustratif du cruel «Bully Song», les bruitages amusants de « Sex with The Sheriff » ou le banjo en verve de “Mayor's New Law”. Belle réussite encore d’un petit chef d’oeuvre en solo qu’est «Better Comin' Out Than Goin' In».
Cet album facilement accessible, qui on peut dire rassemble le meilleur des Violent Femmes et le meilleur de Chadbourne, restera malheureusement sans suite, sinon quelques concerts dans la foulée (voir la rubrique cassettes). Brian Richie deviendra plus tard un compagnon d’arme régulier, notamment dans diverses moutures d’Insect and Western et au sein du quartet GOIN (Get Out Of Irak Now) en 2006.
Retenons que certaines chansons (“Kkkremlin”, “Bette Comin' Out Than Goin' in“, “Ten Most Wanted List”) figurent aussi dans You Are in Bear Country (sans VF) dans des versions à la fois plus brouillonnes et plus intenses.
EG



COUNTRY PROTEST (1985)



Fundamental Save 7 Cd / Lp / tape

House of Chadula #1985D

Medley in C : Always on My Mind, Whiter Shade of Pale, San Francisco Nights, Ain’t Misbehavin’, Imagine, TV Party, Misty, Dang Me, England Swings, I Started a Joke, To Sir With Love, Some Guys Have all the Luck, Waltz Across Texas, The Shah Sleeps in Lee Harvey’s Grave (Chadbourne) / Nobody’s Lonesome for Me / The Wild Angels (Chadbourne) / A Bottle Labeled Losers (Chadbourne) / Convention of Mercenaries (Chadbourne) / Fightin’ Side of Me (Haggard) / W. Va. Spec (Chadbourne) / New Car Song (Chadbourne) / Universal Soldier (St. Marie) / Her Name Is (Braddock) / When I'm Gone (Ochs) / Answer the Phone (Walker) / Perverts on Northridge (Chadbourne) / Choppin’ Down Weeds (Chadbourne) / Volunteered Slavery.

EC : acoustic and electric guitars, banjo, vocals
David Licht : percussion
Gilfred Lee Fray : keyboards
Lenny Kaye : pedal steel
Tony Trischka : banjo.
Rik Rue : tapes
The Red Clay Ramblers :
Tommy Thompson : banjo and vocal
Mike Craver : piano and vocal
Clay Buckner : fiddle
Jack Herrick : bass and trumpet
Jim Watson : mandolin
The Kansas City Country Band :
Nate Hofer : pedal steel
Joe Hamill : bass
Tony Ladesich : drums
The F-Art Ensemble :
Gilfred Lee Fray : voice and piano
David Doyle : French horn and mandolin
David Nikias : trash and speciman jars
Byron Woods and Seth Dworkin : synthesizers
Rudy Hinnant : acoustic guitar
John Pasquini : electric violin
Deborah Ramirez : soprano
Rik Rue : recordings of birds

Bien que souffrant d’un budget des plus modestes, cet album studio compte parmi les productions de Chadbourne les plus élaborées, ou le travail de mixage participe pleinement au façonnage de son univers si particulier. Plus accessible et moins ardu que ses prédécesseurs The President He is insane et Country music from SE Australia, Country Protest se révèle tout aussi réjouissant et déstabilisant même après de nombreuses écoutes. A l’exemple du culoté et déconcertant medley qui ouvre la première face, reprenant sans discrimination et sur le même plan, sucreries pop (Bee Gees, Procol Harum) et jazz (« Misty »), hymne générationnel (« Imagine »), imitation d’Armstrong ou perles country (« Waltz Across Texas », « Dang Me »), chantés avec tant de candeur et de sincérité qu’on y soupçonne malgré tout une pointe d’ironie, car on sait que Chadbourne aime à cultiver subtilement l’ambiguité du double jeu (“One of my favorite things is that something very serious and very funny is going on at the same time. Totally confuses the audience--they don't know if you're trying to be funny or serious, when in fact you're both.“). Une ambivalence reflétée par le choix éclectique des musiciens qui l’entourent : les Red Clay Ramblers apôtres d’un mélange revival moderne, les accents traditionnels de The Kansas City Country Band, les dérives instrumentales du F-Art Ensemble (préfiguration de la Chadbourne Baptist Church) ou la bidouille avant-gardiste incarnée par l’australien Rik Rue.

A l’instar d’artistes comme Negativland, Chadbourne filtre l’Amérique dans ce qu’elle a de pire et de meilleur, pour en livrer une vision cartoonesque à la fois ridicule et géniale, transcrite dans un bordel multipistes jouant sur les décalages et les approximations en fait savamment maîtrisés et mis en relief par un son des plus étranges et un mixage original jouant sur les effets d’écho, de premier et d’arrière plan. L’insertion bien dosée d’extraits de films, de discours politiques ou autres bandes détournées (parfois placées en interludes entre les chansons) agit en contrepoint ou en commentaire de la musique, provoque la surprise et contribue à l’ambiance très spéciale de l’ensemble. L’album comprend en outre certains des morceaux les plus mémorables de Chadbourne : pastiche country (« A Bottle Labeled Losers », « W Va. Spec ») ou psycho-rockabilly (l’immense « New Car Song »), reprises réellement habitées (« When I'm Gone » de Phil Ochs, « Answer the Phone »), chanson bluegrass sur fond de vacarme d’armes à feu («Convention of Mercenaries”, précédée d’une incroyable intro avec voix outrancière de cantatrice, piano excessivement romantique portant la complainte d’un acteur d’on ne sait quel film), « Pervert on Northridge », qui semble directement branché sur le cerveau dérangé de Syd Barrett, ou le trafic sonore sur ligne de basse de « The Wild Angels », constituent encore de parfaits exemples de délires foutraques.

Résolument hors normes et passionnant de bout en bout, Country Protest est un grand classique !
EG

"Welcome to my world", hullule la voix chuintante du docteur/hibou passée dans la reverb. Country protest est en effet un disque paillasson (rien de péjoratif), celui qu'on met devant la porte de sa maison pour dire aux gens qu'ils sont les bienvenus, entendez par là une excellente introduction à l'univers profondément ébréché du docteur. Disque majeur, au milieu d'une oeuvre kaléidoscopique où les catégories (mineur/majeur, par exemple) s'effondrent, Country protest n'est pas le meilleur disque de Chadbourne, juste un disque de Chadbourne, peut-être plus connu que d'autres ("que doit-on écouter d'Eugene Chadbourne?" Tout!), récapitulant ses obsessions: de la country passée par le trou de serrure des mille portes de l'Enfer, traversée de collages surréalistes, de dérapages guitaristiques, de glissades mentales abyssales. Un bébé pleure sur le thème de Wild angels, Convention of mercenaries s'abîme dans un monde en biseaux, fascinant et surprenant, New car song commence par des hurlements de film d'horreur à glacer le sang, et le disque s'ouvre par un Medley in C, où Chadbourne délivre sa spécialité, un pot-pourri de toutes les chansons en do qui lui passent par la tête, de Whiter Shade of pale à San Francisco nights d'Eric Burdon, d'Imagine à Waltz across Texas, le tout traversé d'oscillations et de courts-circuits typiquement chadbournesques. Plus loin, Eugene, pacifiste convaincu, se fend d'une version du Universal Soldier de Buffy Sainte-Marie, poignant, chanté avec conviction et simplicité, puis d'une chanson de Merle Haggard, de Phil Ochs, son héros, etc... Une introduction, donc, au son impeccable et à la folie sous cloche: en transparence, on regarde avec effroi des plantes appelées à se ramifier ensuite dans les myriades de cassettes et de disques tarés sortis sur Parachute et House of Chadula.
ALG

THE ISLAND OF THREE SHREEVES (2009)

Dans ce disque au packaging particulièrement soigné, le bon Docteur nous offre des tranches de ses différents projets en cours: seul au banjo, à la guitare, en trio avec Pink Bob ou Brian Reedy, en duo ou accompagné d'un orchestre de fonctionnaires (sic), sur un Duelling banjos frais comme un rouleau de printemps. A noter, un pétage de plomb punk sur Wrestling woman, des medleys guitaristiques où le docteur retrouve les vieilles scies de ses deux premiers albums: Marcella Bienvenüe, Amber, misty i know you're misty, The Shreeve, revitalisées en public avec moults doigts, ongles, tentacules et pinces à épiler. Mention spéciale pour Red ball liquor bar, chanson crépusculaire et hantée, où Chadbourne arrive à créer un petit monde sur lequel plane l'ombre de l'harmonica de Walter Daniels, effiloché et brumeux. Dans la catégorie Protest songs, un extrait radio de Election song, et l'étonnant Pod, interprété avec le mystérieux Pink Bob.
Plus loin, l'orchestre de ses amis fonctionnaires rejoint le docteur sur Don't happy be worry, l'habillant de samples discrets, de flûtes et de percussions fines. Ce disque est à écouter avec Adrift, autre témoignage sur les aventures du docteur en 2009, lui aussi patchwork de radio, studio et live, tricotage de solos, duos, trios et plus si affinités, lui aussi doté d'un son tout à fait appréciable: sous sa peau rugueuse et lardée de scotchs, The island of three shreeves est un disque accessible, sauf sur City of corruption, où Chadbourne replonge dans ses amours lo-fi, fracassant la chanson à grands coups de boule, et Pile up all architecture, où il y va à la tronçonneuse.
ALG

mercredi 27 janvier 2010

THE ORIGINAL 7 (1996)


THE ORIGINAL 7

House of Chadula #1996A

Head Shop # 1,2,3,4,5,6,7,8

EC : guitars, banjo, mix
Walter Malli : soprano and alto saxophone
James Wallace : alto sax
Chris Nicols : drums
Marc Minsker : keyboards
Chris Turner : multi-tracked harmonicas, bass harmonica
Barry Mitterhof : mandolin
Bob Jordan : cheap electronics
Rodrigo : drums
Hank : piano
Werner Dafeldecker : bass
Dan Plonsey : alto sax
Franz Koglmann : trumpet
Mark Southerland : tenor sax
Mike Dillon : percussion, vibes, tabla

Retour du docteur dans son laboratoire de recherche et d’expérimentation afin de poursuivre ses inénarrables aventures au pays de la folie musicale. Composé chimique à base de collages surréalistes, superposition de bandes et montages protéiformes, débordements free, climats étranges voire trip hallucinatoire (piste 2), bordel soigneusement préparé, le tout dans une mixture transcendée par l’excellence des musiciens et le (gros) travail de mixage, The Original 7 est une de ses réalisations les plus riches, les plus denses et les plus passionnantes, qui évoque souvent The English Channel, moins accessible et beaucoup plus éprouvante que ce jeu des sept erreurs qui tout aussi bien révèle la quintessence du génie Chadbournien et procure l’ivresse sans pour autant filer la gueule de bois.
EG