mardi 30 décembre 2008

INTERLUDE

CHADKLAPPMUNTZ


CHADKLAPPMUNTZHouse of Chadula #2003DLittle Band of Gold / No One to Talk To (John Lee Hooker) / Higway Breakdown in Sweden Miles / South Stockholm First / Dock of the Bay in Stockholm (Otis Reding) / Hard Rock Encore in Stockholm.EC : guitar, banjo, voice Martin Klapper : electronics toys Hermann Muntzing : homemade electronics




Belle surprise que ce trio inédit jusqu'alors, qui puise dans les ressources infinies de l'improvisation. Martin Klapper est un compositeur et percussionniste tchèque vivant à Copenhague, utilisant divers jouets, gadgets et instruments bricolés. Herman Muntzing est un bassiste suédois, qui a notamment collaboré avec Phil Minton et Thurston Moore, et qui lui aussi emploi des instruments de sa fabrication. L'alchimie est parfaite dans cette formule qui rappelle le duo Me and Paul dans son alternance de chansons et d'instrumentaux constamment sur le fil, en un équilibre fragile et passionnant d'un bordel savamment organisé où l'on aime à se perdre. Cette musique est un vrai miracle d'inventivité, d'humour et de fraîcheur (comme un antidote salutaire aux productions parfois sombres et paradoxalement routinières de la free music) qui vous stimule sainement les neurones sans agressivité. Chadbourne tient une belle forme guitaristique et vocale soutenue par l'écrin électronique et dadaïste des tissages de ses deux acolytes. Le set est étonnamment varié et riche en surprises telles que cette version complètement surréaliste (mais finalement pas si éloignée de la nonchalance de l'original) d'un Dock of the bay étrangement fréquenté et délirant. No One Talk to me est un blues décharné de John Lee Hooker mais enrobé pour l'occasion de bruitages fantaisistes et de décharges de guitare électrique. Highway Breakdown offre des enchaînements speedés et hystériques de musique de cartoon, précédant une étonnante boucle ascensionnelle de banjo qui n'est pas sans évoquer les architectures coniques d'Evan Parker. Hard Rock Encore in Stockholm est le morceau le plus agité et sûrement le plus marrant (bourré de citations) qui termine en beauté cet enregistrement hautement recommandable !
Emmanuel Girard

THE BEAT GOES ON


THE BEAT GOES ONHouse of Chadula
(Take This Job and) Shove It (Paycheck) / Dirty Harry (Tape Collage) / What Is Truth? (Cash) / Beatles Medley (Tape Collage) / Groovy Grubworm / Rebel Rouser (Eddy)
EC : tapes, voice, guitars ...Rik Rue : tape mixes, dub for St. Rita Charlie Goodman : effectron moments Adam Eisenstat : the voice of Johnny Banana, from Pornographic Nightmare Evan Johns and the Vanilla H-Bombs Jenny Chadbourne : video games noisesBob Licht : sitting in for K. Carnes



Mike Schafer est un compilateur de l'ombre qui s'est donné pour but de compiler sur CDs toutes les infâmes cassettes du docteur Chadbourne. Au programme: Pee Wee on the way, Constellation rake, et The beat goes on, ici présent. Comme le précise le docteur sur le site de squidco.com, rien n'a été ajouté, rien n'a été enlevé par rapport aux cassettes originales (même si Chadbourne précise quand même que Schafer est un packrat (traduction: "espèce de grand rat d'Amérique du Nord qui rassemble différents objets et les cache dans son trou") et qu'il est allergique à l'idée de laisser du blanc à la fin du CD, qu'il remplit donc jusqu'à ras bord). The beat goes on appartient donc à la famille hirsute des collages sonores et télescopages de nonsense sobrement réunis sous l'étiquette "Tape Madness". Le verso précise: "We promise: More than 1000 seperate violations of the copyright laws!". Le disque préfigure les collages insensés de Horror Part three, et enchevêtre tout ce qui passe sous la main maléfique du docteur, dont des extraits de Vanilla Fudge et d'une oeuvre inconnue, Pornographic Nightmare (The voice of Johnny Banana (?) ). Sur cette cassette, Chadbourne crée une espèce de musique de film bariolée, joue aux jeux vidéos, massacre les Beatles à mort, les finit à coup de pelle et fait parler les morts.

Arnaud Le Gouëfflec

INTERLUDE: the Good Doctor


L'OASIS - Avec René Lussier



L'OASIS Victo Cd 084
Enregistré « Live » à Paris en octobre 1998 et à Victoriaville en mai 2002
Buckdancer's Choice (Trad, arr. EC/RL) / I Wish We Could Do This Live (EC/RL) / Louis Riel (Doug Sahm) / Steel Guitar Rag (Leon McAuliffe) / Scruggs Soufflé ! (EC/RL) / Prélude (EC/RL) / Pan Handle Rag (Leon McAuliffe) / First day of Spring (Eddie Poirier) / Our Satanic Majesty's Request (EC/RL) / Alabama Jubilee (trad./arr. EC/RL) / Les Double Six de Paris Invitent un Grand Oiseau au Jazz Club (EC/RL).
EC : guitare acoustique, banjo et voix RL : guitare acoustique et électrique, podorythmie

Le québécois René Lussier est un membre éminent de la famille des guitaristes virtuoses et inventeurs spécialisés dans la relecture « de travers » des genres musicaux. Bien que leurs routes se soient croisées à plusieurs reprises (notamment au sein d'un quartet avec Thomas Lehn et Martin Tétréault), c'est la première fois qu'ils se produisent en duo. Le disque se partage nettement en deux tendances liées au contexte : musique improvisée sans filet et sans préparation préalable pour le concert intimiste capté au club Les Instants Chavirés de Montreuil (L'Oasis est en fait le nom d'un restaurant de la Ville) et reprises d'airs traditionnels au contraire longuement répétés pour la prestation du Cinéma Laurier à VictoriaVille (Québec) devant un public beaucoup plus large. Par ce choix de l'alternance résultant de la sélection des meilleurs moments de chaque show, L'Oasis préserve toute sa fraîcheur et nourrit l'intérêt de bout en bout. Ainsi le rigoureux tricotage rythmique et harmonique des chansons, s'accordant ce qu'il faut de liberté (First Day of Spring), répond aux trames instantanées des impros, figures spontanées et changeantes laissant libre court aux divagations instrumentales et prises de risques excitantes. Cet équilibre entre titres acrocheurs (Steel Guitar Rag, le tubesque Buckdancer's Choice) et aventures soniques (I Wish We Could Do This Live) contribue grandement à l'attrait de cet îlot luxuriant gorgé de richesses.

Emmanuel Girard

Les morceaux qui composent L'Oasis sont extraits de deux concerts: le premier aux Instants chavirés (Montreuil) en 1998, le second en 2002 au Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville. Au programme: improvisation, mais surtout jubilation autour de morceaux traditionnels québécois ou américains. Le résultat est somptueux et d'une grande inventivité. Lussier est un guitariste québécois également marqué par la musique traditionnelle et par Jimi Hendrix, comme Chadbourne en somme... Les deux guitaristes s'en donnent à coeur joie, et jouent (au sens propre) de leur guitare et banjo (parfois préparés, parfois distordus), offrant à l'auditeur un mélange réjouissant d'enthousiasme et de vitalité. Dès le premier titre, Buckdancer's choice, les deux musiciens s'engagent dans un jeu trépidant, presque sautillant, qui se prolonge tout au long du disque, de l'impro pure et dure (Scruggs soufflé!) aux reprises détournées (Louis Riel de Doug Sahm, First day of spring d'Eddie Poirier), des classiques (Steel guitar rag, Pan Handle rag de Leon Mac Auliffe, le guitariste de Bob Wills and his Texas Playboys), aux références occultes (Our satanic majesty's request) et au traditionnel (Buckdancer's choice donc, mais aussi Alabama Jubilee), avant de se terminer par un morceau signé Lussier/Chadbourne au titre mystérieux: les Double Six de Paris invitent un grand oiseau au jazz club. Un chadbourne enfantin et espiègle confronté à un autre lutin farceur de haute volée. Un disque joyeux, vivant, à fermentation haute, et sans nul doute à conseiller aux nouveaux venus dans le labyrinthe infernal du docteur: l'Oasis, comme son nom l'indique, permet de se ressourcer entre deux déambulations. Le docteur fait des expériences avec l'élixir de de jouvence...
Arnaud Le Gouëfflec

EDDIE CHATTERBOX ON BROADWAY vol. 3

EDDIE CHATTERBOX ON BROADWAY vol. 3House of Chadula #2001C
Sun Ra Tunes : Space Jazz Reverie / Brainville Uranus / Falling Off The Log / Where is Tomorrow (Sun Ra) / Daydream / These Foolish Things / The Blessing / Moose The Mooche / Better Luck Next Time / I Thought About You / We'll Be Together Again
EC : guitar, banjo, vocals

Dr Eugene et Mr Chadbourne laissent parfois de coté leur attirail extravagant d'amuseur public et partagent avec Eddie Chatterbox une tendresse pour le jazz et une faiblesse pour les standards, ces jalons incontournables qui dans l'infinie richesse des interprétations résument à eux seuls l'histoire de cette musique, à la fois liée à ses racines traditionnelles et ouverte aux libertés les plus avant-gardistes.Réalisé dans le même esprit intimiste que les volumes solo précédents, ce troisième recueil donne à nouveau une relecture sensible de ces musiques à forte influence. Retour au calme, besoin de se ressourcer ? Le musicien s'impose une concentration quasi palpable dans un recueillement très discipliné (sans être ascétique) et une énergie intérieure qui ne sont pas sans évoquer John Coltrane. Teintées d'accents folk, les reprises de Sun Ra offrent les moments les plus lancinants ou hypnotiques, habités d'une sérénité et d'une force qui font défaut au reste de l'album, qui perd de sa saveur avec l'inconsistant Daydream (rien à voir avec la version flamboyante de Strings) ou le trop précipité et bâclé These Foolish Things (écouter plutôt la formidable version du live à Cleveland). Chadbourne se ressaisit dans le revigorant Moose The Mooche puis l'inspiré et complexe We'll Be Together Again, ou le guitariste retrouve sa verve virtuose pour conclure en beauté ce recueil inégal mais attachant.
Emmanuel Girard

samedi 27 décembre 2008

dimanche 14 décembre 2008

INTERLUDE: CHADFEST

NEW DIRECTIONS IN APPALACHIAN MUSIC

Chadbourne joue de la "country de gauche" (sic). C'est à dire qu'au-delà de ses clichés (musique de conservateurs, musique de ploucs, musique à franges et éperons), il l'aime passionnément et a passé sa vie à lui rendre service, la stimuler, la sortir, l'amuser, la déguiser et la faire rire un peu. New directions in Appalachian music est un des vieux projets du docteur, patiemment macéré dans son esprit bouteille, puis débouché à la Chadfest, la grand messe chadbournienne, cette fois-ci à Vandoeuvre Les Nancy (cette ville du Nord de la France qui attire régulièrement les musiciens les plus barrés de la planète et où, comme on dit, "il y a un nid"). Le doc dirige ici un petit orchestre: Phil Minton, un chanteur inspiré, fait du yodel et chante avec ferveur, Cedric Prive joue du violoncelle, Mike Cooper de la Lap Steel, Paul Lovens de la batterie (de quel instrument non-identifié joue Johnny Hamill?), et Chadbourne banjoïse. Tout est dans le titre: traiter la musique traditionnelle des Appalaches comme une rampe de lancement vers l'improvisation. Le disque est donc une collection de chansons en équilibre entre le traditionnel et l'expérimental, et l'alchimie s'opère ici merveilleusement, grâce notamment au chant passionné de Phil Minton et à la réactivité des musiciens, tous au service des morceaux. Le titre est peut-être emprunté à Rashied Ali (New directions in modern music), ou à un New directions in jazz dont l'auteur m'échappe: associé ici à "Appalaches" (New directions/Appalachian music: en rhétorique, on appelle ça un oxymore), il provoque le rire. Mais il ne s'agit pas d'un disque satirique: l'orchestre interprète cette musique avec dignité, de l'élan et de l'énergie. Comme souvent, derrière le rire de Chadbourne, il y a quelque chose de profond. Mais comme derrière le profond, il y a encore du rire, rions!
Arnaud Le Gouëfflec




THE HELLINGTUNES 1997

THE HELLINGTUNES 1997 - Intakt Cd 052
Mysterious Stash - Interlaken / Total Tuesday - Grindelwald / Cool Dream - Domodosola / Hawk Jungle - Malans / The Cricket In My Life - Simplon / Gentle Happening - Vals / Spotted That Red - Brig / Way Twitch - La Chaux de Fonds / Gentle Happening - Lago di Garda.

EC : guitar, banjoAlex Ward : clarinet, alto saxophonePat Thomas : piano, keyboard, bargain electronicsLeslie Ross : bassoon, shawmCarrie Shull : oboe Paul Lovens : selected drums and cymbals, Stradivarius saw

On sait la multiplicité des influences et des ramifications complexes qui nourissent et structurent le travail de Chadbourne, et en particulier la sphère du jazz, à la croisée des musiques savantes et populaires. Quoi de plus logique alors que cet hommage subtil à la modernité du maître chef d'orchestre d'une œuvre désormais considérée comme classique. A l'interprétation courante, Chadbourne propose une transposition éclatée des originaux, réinventés selon un processus d'associations hasardeuses et d'écriture « automatique » (cher à William S.Burroughs) ou le matériau de base est découpé en fragments, triés ou réassemblés au hasard pour former une esquisse de composition, finalement retranscrite sur partition (voir les explications détaillées en notes de pochette). Le cheminement de cette mutation pourrait produire un démantèlement monstrueux ; il est au contraire diaboliquement efficace et réjouissant, finalement respecteux de l'exubérance et de la liberté du Duke. L'improvisation dynamite le tout, notamment par l'insertion aléatoire et foudroyante d'extraits d'albums originaux, qui crée des mises en abyme du meilleur effet, en perturbant et relançant les mouvements de ces suites baroques. On retrouve par ailleurs une pièce extraite du répertoire Insect and Western qui s'intègre parfaitement à l'ensemble, aussi grouillante que les combos jungle de la belle époque. Chadbourne a su une fois de plus s'entourer de musiciens exceptionnels capables de la plus grande réactivité, condition sine qua non à la réussite d'un tel projet, basée sur l'équilibre entre composition et improvisation.

Emmanuel Girard

jeudi 11 décembre 2008

INTERLUDE: I WANT TO BURN AGAIN!

YOU ARE IN BEAR COUNTRY 1985


YOU ARE IN BEAR COUNTRYHouse Of Chadula #1985BKkkremlin / I'm an Outlaw / Devil on the Radio / Country Girl & Pol Pot / Better Comin' Out Than Goin' in You / Can't Roller Skate in a Buffallo Herd / No Reason to Quit / Ten Most Wanted List / Skip a Rope / Saying Goodnite to CB Terror / This Newt Is Made for Squawking.
EC : vocals, multi-tracked guitars, misc personnal effects, rake/Steve De Chiara : CB Terror/Barry Mitterhof : mandolin/Chuck Ross : tapes/Bob Jordan

Encore une folie du docteur, mais You are in bear country est un disque accessible et plein de savoureuses protest-songs très correctement enregistrées (dont on retrouve d'autres versions ici et là dans le kaléidoscope de l'oeuvre de Chadbourne): You can't rollerskate in a Buffalo Herd, KKKKremlin, Devil on the radio, le Skip a rope de Henson Gargill, etc... Le thème est simple: Reagan. Le disque ne parle que de ça, et Chadbourne lui taille un réjouissant costard country and western. Entre les morceaux, le docteur se lance dans une croisade radio sans égale dans les annales de l'incredibly strange music: il contacte sur CB des routiers américains et dialogue avec eux (parfois en adoptant un ridicule accent redneck), leur posant des questions sur la politique de Reagan, soutenant des thèses tragi-comiques ("Légaliser la prostitution nous permettrait de réduire le déficit en six mois") et engageant des débats inoubliables ("Je suis d'accord sur le fait que Reagan n'est pas moins intelligent qu'une serveuse de chez Mac Donald, mais elle, personne ne l'a élue présidente des Etats-Unis!"). Un disque à conseiller à qui souhaite contracter le chadbournisme.
Arnaud Le Gouëfflec

Bien avant la vulgarisation du CD-R et d'internet, la cassette a été le support de diffusion le plus accessible (simple et économique) pour beaucoup d'artistes sans label ou souhaitant produire et faire connaitre leur travail comme bon leur semble, libérés de toute tutelle artistique et des délais imposés par l'industrie du disque. Un média adapté à la production massive de Chadbourne qui dès le début des années 80 use largement du concept des « homemade » cassettes et leur célèbre packaging qui contribueront à sa réputation. Plusieurs bandes de cette époque sont désormais rééditées en CD-R sur son propre label House of Chadula (des classiques tels que Guitar Freakout, Biker Music From Se Cambodia, la série des On The Way), dont ce You are in Bear Country, enfanté sous l'ère reaganienne et réalisé en solo et multirecording, regroupant chansons, collages sonores et extraits de conversations politiques sur CB avec des camionneurs. Bon nombre de titres figureront par la suite dans Corpses of Foreign War, mais dans des versions ici plus acides et psychédéliques que celles jouées avec les Violent Femmes. Un bon exemple de son folk country & western décalé et subversif, avec un mixage et une ambiance surréalistes (proches de Country Protest, enregistré la même année) fruits des déformations provoquées comme sous l'effet de drogues hallucinogènes et des assemblages boiteux de guitares déraillées qui accompagnent les accents country et nasillards de sa voix si caractéristique. Chadbourne n'a rarement été aussi bon que dans ces twisted songs à l'équilibre fragile comme un château de carte mais qui accrochent instantanément par leur mélange de culot et de (fausse ?) candeur (à l'instar d'un Daniel Johnston) et qui font de ce pays des ours une contrée bien étrange mais hautement recommandable.

Emmanuel Girard


SHOCKABILLY - VIETNAM (1984)


SHOCKABILLY VIETNAM
1984 - Fundamental SAVE-1
Shimmy Disc 5026 (CD)
Pile Up All Architecture (EC/Kramer) / Born on the Bayou (John Fogerty) / Your U.S.A. and My Face (EC) / Iran into Tulsa (EC/Kramer) / Vietnam (John Lee Hooker) / Flying (Beatles) / Nicaragua (Ed Sanders/Kramer) / Paris (Kramer) / Georgia in a Jug (Bobby Braddock) / Lucifer Sam (Syd Barrett) / Signed D.C. (Arthur Lee).
EC : voices, guitars, rake, plunger, birdcage and cooler (à verifier !)
Kramer : cheap organ, bass, tapes, voice
David Licht : drums and percussion
Ed Sanders : sings (Nicaragua)

Shockabilly n'est pas qu'une farce adulescente mais aussi un groupe résistant au concentré de matière abrasive. Sans renoncer aux plaisirs potaches, le propos se politise et la musique se durcit (« Iran Into Tulsa »), virant au sombre comme l'illustre la magnifique pochette clin d'œil au Grateful Dead, groupe emblématique d'une génération pacifiste opposée à la guerre. Le « Lucifer Sam » de Barrett prend donc ici une autre dimension et son riff menaçant s'apparente à l'injection de l'Oncle Sam en fait véritable invitation en enfer. Vietnam prépare le terrain des albums de protest song à venir, à commencer par The President He is insane enregistré la même année. Chadbourne y règle ses comptes avec une certaine Amérique en croisade, fière de ses crimes commis au nom de « la liberté et de la démocratie », le Nicaragua sous Reagan et l'Irak avec Bush 1er. Aussi le tranquille « Flying » des Beatles s'accompagne de bruits d'avions et d'hélicoptères, directement inspiré du « Star Spangled Banner » d'Hendrix à Woodstock, brûlot antimilitariste reprenant l'hymne national américain sur fond de sifflement des bombes, d'explosions et de rafales meurtrières.
D'une manière générale l'influence grandissante de Kramer se fait sentir. Sur certains titres son travail des bandes enrichit intelligemment la musique du trio et en fait de véritables petits courts métrages tragicomiques (« Your U.S.A. and my Face ») ou étranges (« Paris »). On a droit comme toujours à d'étonnantes covers bien senties : le célèbre « Born on the Bayou » de Creedence, l'infernal « Lucifer Sam » comme décrit plus haut, « Signed DC » d'Arthur Lee et l'inquiétant « don't wanna go to (Vietnam) » qui lui aussi sonne comme du Hendrix. Figurant déjà dans Tears, « Georgia in a Jug » reste une des reprises préférés de Chadbourne. La version vinyle inclut en poster un long texte intitulé « The Secret of the Cooler», extrait du journal de bord relatant avec moult anecdotes la tournée de 1984.

Emmanuel Girard

mardi 9 décembre 2008

INTERLUDE: EUGENE VAN BEETHOVEN


INSECT AND WESTERN PARTY - 1996

Charm School Cd 005
Xubitunt / Way Garter / The Indian Pancake Talks Once / Fuck Your Cat / The Swat / Conditioned / Rock the City River Hapening / Magic and Ecstasy (from the Exorcist II) / Le Chant Guerrier du Roi des Haricots (The War Chant of the King of the Beans) / Gnossiennes / Way Twitch / Ricitic Listen / Reward / The Hive of Resentment
EC : voice, dobro steel guitar, banjo, bass banjo, acoustic 12-string guitar, Gibson acoustic guitar, electric toast-ar and electric ladybugBrian Ritchie : acoustic bass, maroccan bugleCarrie Shull : oboe, secret agreement to pass off rake soloCarrie Biolo : vibraphone and percussion, first time electric rakeMolly Chadbourne : vocals (on Magic and Ecstasy)Brent Dunn : bass

Dans la série des Insect and Western, ce disque fait figure de petite oasis tropicale: apaisé, d'une richesse exceptionnelle, mélodieux et infiniment plus coloré que, par exemple, The intellectual and emotionnal world of the cockroach, Insect and Western party est une pièce suprenante. Mais l'effet de surprise fait partie de l'Art de la guerre chadbournien: simplement, au lieu de jouer sur l'abrasif, le rugueux ou l'étrange, il table cette fois sur l'harmonieux, le vibrant, le soyeux. Il déploie une queue de paon musicale variée et pleine de perspectives. Brian Ritchie, bassiste des Violent Femmes, imprime aux morceaux sa vigueur et son sens de la charpente en bois ( ce qui donne à plusieurs morceaux leur irrésistible pulsation rock'n'roll), tandis que le hautbois hanté de Carrie Shull développe ses postures nuptiales et tisse de splendides treilles musicales. Une après-midi avec le docteur à boire le thé en compagnie de mantes religieuses en costumes du dimanche, dont Carrie Biolo et son vibraphone. Sûrement, quelqu'un a mis quelque chose dans la bergamote, tant la musique est gorgée de fluorescences. Sur the Swat, chaque coup de tapette à insectes provoque un fou rire chez le spectateur. La règle du jeu: la musique s'arrête à chaque claque, et repart ensuite sur la pointe des pieds, puis de plus en plus fort, jusqu'au coup de Swat, etc... L'euphorie dure le temps du disque: sur le dernier morceau, le fameux rateau électrique (The rake) du docteur vient sauvagement nous labourer le jardin.

Arnaud Le Gouëfflec



EARTH VS SHOCKABILLY (1982)

EARTH VS. SHOCKABILLY
1982 - Rough Trade 48
Shimmy Disc 5017
Day Tripper (Lennon/McCartney) / Are You Experienced? (Hendrix) / Burma Shave (Miller) / City Of Corruption (EC) / Bluegrass Breakdown (Monroe) / Party House Part 3 In 3D (EC)/ People Are Strange (Morrisson/Krieger) / Psychedelic Basement (EC) / Purple Haze (Hendrix) / 19th Nervous Breakdown (Jagger/Richards) / Tennessee Flat Top Box (Cash) / Oh Yoko (Lennon) / Big Money Broad (EC) / Wrestling Woman (EC) / Outro (Beethoven/EC/Kramer/Licht)
EC : guitars, voice
Mark Kramer : cheap organ, voice, tapes
David Licht : percussion
Shockabilly c'est un peu les Marx Brothers en pleine crise de revival rock psyché, une aventure cocasse et particulièrement nerveuse ou Chadbourne s'impose au premier plan en guitar hero déjanté. Pas de constructions cérébrales alambiquées ou d'introspection délicate mais une surconsommation d'énergie propre au culte de la défonce, sauvé de la bêtise par une ironie faite de distance autocritique et une érudition qui les distingue d'un simple groupe garage punk excité. Comme dans le premier Ep, les titres (courts) s'enchaînent sans répit et semblent déformés à travers le prisme psychédélique et la folie cartoonesque contaminante : guitares acides en feu trempées dans Hendrix, son bourré de reverb, voix caricaturale aux accents multiples, hoquetements débiles (« Burma Shave », « Party House»), violence sourde et riffs inquiétants (« City of Corruption », le tendu « Wrestling Woman »), tempo hyper-speed et ruptures à gogo (« Bluegrass Breakdown », « People are strange », et sa magnifique et inattendue séquence jazzy). « Psychadelic Basement », une des meilleures compositions de Chadbourne, résume le programme avec son air de profession de foi. Si la reprise de « Purple Haze », assez proche de l'original, déçoit quelque peu au regard des versions à venir (ma préférée est celle de Kill Eugene) celle des Stones est une vraie réussite (« 19th Nervous Breakdown » qui d'ailleurs est sorti en single). Notons enfin que « Tennessee Flat Top Box» est strictement calqué sur le schéma de changements rythmiques de la version de Tears (alternance de calme et d'accélération) et qu'« Outro », sorte de pochade autour du Ku Klux Klan sur fond de Beethoven (prémisse des albums concept de protest song) ne figure pas sur les rééditions Cd (Shockabilly Ghost). Earth est un de leurs meilleurs albums, savoureusement vulgaire à l'image de l'esthétique misérabiliste de la pochette inspirée des série Z, et de la prise de son volontairement crade comme un bootleg.

Emmanuel Girard

jeudi 4 décembre 2008

RRRRRAKE!


SOLO ACOUSTIC GUITAR - VOL 2 - 1976


976 - Parachute P-002 1976
1998 - Rastascan Brd 032 (reissue)
House of Chadula #1975A

That's all Water Under the Bridge (to Thomas Aquinas Sobolik) / Rocket (to Roscoe Mitchell) / Thawing Out (to Larry Dubin) / Sufficient Space (to Henry Miller) / 1811 Bluff St. (to Larry Chadbourne) / The Shreeve (to Louise Turbo) / Making it go away (to Johny Shines) / Brass (to Leo Smith) / We are together again (to Steve Neunschwander) / Ginger Shelp / Making it go away (live)* / Father (You opened)* / Mao Tse Tung did not have to deal with people who were watching seven hours of television every day (to Helen Brown)*

all pieces by Eugene Chadbourne except Rocket by Oliver Lake
*bonus tracks

Deuxième production Parachute pour une pratique toujours plus risquée et en chute libre du solo. Chadbourne persiste et signe dans la même veine éminemment commerciale de l'improvisation radicale ou il va encore plus loin dans les détournements de la guitare, prenant indéniablement un malin plaisir à perturber nos habitudes d'auditeur en nous faisant redécouvrir l'instrument, dont le potentiel sonore déjà large est étendu par l'ajout d'un bazar d'accessoires tels que pinces, baguettes, fils ou paille de fer, divers objets dans la caisse, etc. («To me the guitar is a wooden resonator, not a single line or chording instrument »). Aux sonorités habituelles vient donc s'ajouter une multitude d'événements qui enrichissent son vocabulaire : grattouillis, pincements de corde exagérés, percussions ou frottements sur la caisse produisant des couinements caractéristiques (voir The Guitar Lesson), grincements, vibrations ou résonances incongrus, froissements, cliquetis et parasitages collatéraux. Tout cela sans amplification ou bidouillages électroniques. L'art du bruit et l'art du brut d'une pratique en droite ligne de la free music qui aiment à valoriser les accidents et autres scories, les sons volontairement impurs, l'impression d'anarchie mêlée à un contrôle du flux et un sens de la structure pour des compositions spontanées ou développées à partir d'une trame préétablie. En comparaison avec le premier volume, ce recueil forme un nouveau microcosme bruitiste à la fois plus recueilli et expansif (That's all water under the Bridge, Thawing out) et grouillant (Cf Sufficient Space, un Insect & Western avant l'heure ?) sans exclure les emportements rythmiques (Rocket,The Shreeve) dans un style iconoclaste et véloce typique de Chadbourne.La réédition en cd, sur le label Rastascan de Gino Robair, comporte d'excellents bonus avec en particulier un morceau live furieux (Making it go away) et un inquiétant Mao Tse Tung Did Not Have To Deal With People Who Were Watching Seven Hours of Television Every Day (quel titre !) au climat sombre et tendu. Heureusement l'enregistrement est cette fois satisfaisant et restitue bien les détails sonores de cette musique quand même déroutante et qui exige une écoute attentive.



Emmanuel Girard