Chadbourne joue de la "country de gauche" (sic). C'est à dire qu'au-delà de ses clichés (musique de conservateurs, musique de ploucs, musique à franges et éperons), il l'aime passionnément et a passé sa vie à lui rendre service, la stimuler, la sortir, l'amuser, la déguiser et la faire rire un peu.
New directions in Appalachian music est un des vieux projets du docteur, patiemment macéré dans son esprit bouteille, puis débouché à la Chadfest, la grand messe chadbournienne, cette fois-ci à Vandoeuvre Les Nancy (cette ville du Nord de la France qui attire régulièrement les musiciens les plus barrés de la planète et où, comme on dit, "il y a un nid"). Le doc dirige ici un petit orchestre: Phil Minton, un chanteur inspiré, fait du yodel et chante avec ferveur, Cedric Prive joue du violoncelle, Mike Cooper de la Lap Steel, Paul Lovens de la batterie (de quel instrument non-identifié joue Johnny Hamill?), et Chadbourne banjoïse. Tout est dans le titre: traiter la musique traditionnelle des Appalaches comme une rampe de lancement vers l'improvisation. Le disque est donc une collection de chansons en équilibre entre le traditionnel et l'expérimental, et l'alchimie s'opère ici merveilleusement, grâce notamment au chant passionné de Phil Minton et à la réactivité des musiciens, tous au service des morceaux. Le titre est peut-être emprunté à Rashied Ali (
New directions in modern music), ou à un
New directions in jazz dont l'auteur m'échappe: associé ici à "Appalaches" (New directions/Appalachian music: en rhétorique, on appelle ça un oxymore), il provoque le rire. Mais il ne s'agit pas d'un disque satirique: l'orchestre interprète cette musique avec dignité, de l'élan et de l'énergie. Comme souvent, derrière le rire de Chadbourne, il y a quelque chose de profond. Mais comme derrière le profond, il y a encore du rire, rions!
Arnaud Le Gouëfflec
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