jeudi 4 décembre 2008

DINOSAUR ON THE WAY - 1985

DINOSAUR ON THE WAY
House of Chadula #1985E
How Can You Kill Me ? / Wiffer Woffer Song / Eugene Stinks / Red Headed Stranger / Greetings From Grenada / Mc Death / She Was a Leaving, breathing piece of Dirt / Answer the Phone (?) / Psychology 101 (?) / While My Guitar Gently Weeps / Ghostbusters / Kiowa War Song / Octopus Garden / Her name is / They Froze Jones's Brain / Yardbird Suite / Good Lovin' / Nympho Lodge / Eugene Stinks / Who's gonna take the garbage out ? / Strawberry Fields For Ever / Driftin' Blues.
EC : multi-tracking, guitars, vocals/Will Tomlinson aka Eddie Van Halen : electric guitar, rude comments/Jenny Chadbourne & Perry Brothers : "Wiffer Woffer Song" voices/The Chadbournes (Kondo, Zorn, Cora, Kramer, Licht) : back up band on "Octopus Garden"/Charles Manson : voice on "How Can You Kill Me"/Leslie Ross : bassoon/Chris Turner : harmonica on"Kiowa War Song"/Becky Jordan : voice on "Yardbird Suite" & "Who's Gonna take Garbage"

Dès les premières notes, on sait que ça va être sauvage, mais d'une sauvagerie sans doute encore peu égalée par Chadbourne lui-même. Ce qui rend Dinosaur on the way aussi velu, aussi définitif, aussi apocalyptique, c'est le taux de distorsion, le degré d'incandescence du son, porté à blanc par la flamme alchimique de l'analogique. Car le docteur s'excuse sur la pochette pour le magnéto cassettes qui tombe en panne. Et ça s'entend, dans la juxtaposition anarchique des plages, dans ces chansons enfantines passées au hachoir lysergique d'une guitare monstrueuse, dans ce How you can you kill me, i'm already dead d'anthologie, qui dévaste tout et ne laisse à aucune herbe le loisir de repousser. Chadbourne fait son Gengis Khan. Il s'autorise une cavalcade sonique meurtrière, et le son est si cru qu'il nous rappelle qu'avant d'être des citoyens, nous sommes d'abord des carnivores assoiffés de carnage. Dans le jeu de guitare, le docteur semble parfois retomber dans ses premières expériences rock garage: ça sent les années 60 des compilations Back from the grave (totalement chadbournisées cependant), et pas seulement à cause du son pourri. L'esprit est là, le spectre de Jimi Hendrix n'est pas loin et c'est bien dans l'acide que les mains machiavéliques du docteur ont trempé les guitares. Chadbourne abuse également magnifiquement de la reverb analogique, et s'égare parfois tout seul au centre de la chambre à échos. Le reste est une succession de collages dadaïstes, de lambeaux de country réverbérée, de chiens qui aboient, de vent, et de guitares toujours aussi barbelées. Dans le magma, on croit entendre While my guitar gently weeps chantée au fond d'une cuve de fromage à fondue, mais on ne sait pas bien si on a rêvé ou pas. Et le solo de Georges Harrison est vraiment gravement gondolé, vérolé, et mordu.

Arnaud Le Gouëfflec


Dinosaur est un des multiples opus de la série on the way ou le docteur dur-dingue joue à l'apprenti sorcier dans son laboratoire spécialisé en préparation de collages déglingués. Encore plus ravagé que Wombat, Dinosaur figure en bonne place du concours pour l'album le plus barré de la planète, vous plongeant dans les profondes méandres d'une folie que même David Lynch n'aurait pu imaginé ! Débarrassé de tout souci de bienséance et de séduction, Chadbourne y cultive l'art de l'excès avec véhémence, usant des vertus dérangeantes du « nonsense » au service d'une glorification de l'imperfection circulant à la frontière entre l'amateurisme génial et le n'importe quoi. Une démarche hors-la-loi qui réclame une adhésion préalable de l'auditeur ouvert aux expériences esthétiques de l'étrange et doté d'une tolérance certaine pour les effets de distorsion, les débordements brouillons et les déformations obscènes, le recyclage des déchets et l'amateurisme exacerbé d'un son pourri à presque faire passer les premiers Daniel Johnston pour Dark Side of The Moon. « How Can You Kill Me ? » inspiré de Charles Manson (le célèbre chef de secte organisateur du meurtre de Sharon Tate Polanski) annonce l'ambiance ! « Eugene Stinks » (extrait de la cassette du même nom) assemble des gimmicks de guitare en multitracks. Autres réjouissances avec un massacre à faire pleurer les fans des Beatles (« While My Guitar Gently Weeps » haché menu, et, moins méchant, « Octopus Garden » tiré de LSDC&W The History Of The Chadbournes In America, et aussi une subtile interpréatation en solo de « Strawberry Fields For Ever »). «Good Lovin'» se vautre dans la débauche psyche-garage sur-électrifiée et saturée. « Ghostbusters » et « Kiowa War Song » choquent par leurs séquences chaotiques violentes peuplées de cris, ou les coupures de bandes évoquent la confusion d'un reportage sur le front. « Who's gonna take the garbage out ? » est une sorte de rockabilly cauchemardesque défoncé jusqu'à l'os. Difficile de rendre compte de l'ampleur de ce bordel baroque « under lo-fi », finalement très rock'n'roll dans l'âme, qui va en s'aggravant au fil de l'album, s'achevant sur un « Driftin Blues » post-apocalyptique et hanté ! Assurément Dinosaur on the Way n'est pas à mettre entre toutes les oreilles…

Emmanuel Girard


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