jeudi 30 septembre 2010

WHERE IS KONDO? (1978-1980)


Réédition House of Chadula de sessions datant de 1978 à 1980, autour du duo Chadbourne/Toshinori Kondo, déjà responsable de Possibilities of the color plastic. Selon le docteur lui-même: "one of the most insane performances of all time". Chadbourne légitime la sortie de ce double CDr par l'absence de réponse de Kondo, qu'il cherchait à joindre pour envisage une réédition de Possibilities. L'inquiétude (Est-il mort? A -t-il disparu?) ou le dépit ont peut-être donné le titre de ce disque, excavation de sessions dont Chadbourne avoue qu'elles lui ont longtemps fait peur, et qu'il ne les écoute qu'avec parcimonie. Sur ces bandes, donc, s'affrontent deux dangereux terroristes soniques, parfois rejoints par d'autres fous furieux. C'est d'impro pure et dure dont il est question: Chadbourne, au dobro, à la guitare électrique et Kondo à la trompette, à l'euphonium, délaissent parfois leur instrument pour manipuler des percussions bizarres, des machins électroniques, pour renverser une armoire d'argenterie (comme dans Gaston Lagaffe, avec une boule de bowling en guise de cerise sur le gâteau), ou tout simplement pour causer à tort et à travers: le docteur est parfois intarissable, mais il a de la bouillie dans la bouche. On comprend vite que le but du jeu est de jouer la surprise, de créer une musique drôle, imprévisible, parfois agressive et bruitiste (les notes de pochette précisent que les morceaux sont extraits de leur premier concert à Greensboro, si l'on ne tient pas compte du précédent, dont ils ont été virés). On entend donc des guitares anormales, des sons mal identifiés, et des trompettes profondément perturbées. Dès qu'on s'habitue, Kondo nous déflagre des morceaux de fanfare, joue du cor au fond des bois, siflle des morceaux d'hymne, pour prendre l'auditeur à rebrousse-poil. Pendant ce temps, Chadbourne fait des choses à sa guitare, ou la désosse à la fourche (sur ce Hank Williams medley, par exemple, où l'on n'entend rien, absolument rien, qui puisse être raccroché à Hank Williams). La présence de David Licht, ou plus loin de Steve Beresford venu jouer piano et batterie pour enfants, n'arrange rien: les morceaux errent dans l'espace du studio, ponctués des rires de l'assistance. Pendant deux heures, les deux olibirus rangent et dérangent leur chambre, ne savent plus où donner de la tête, et deviennent fous.
Arnaud Le Gouëfflec


mardi 28 septembre 2010

THE SECRET OF THE COOLER/BIRD CAGE (2010)

Un double Cd concocté par Mike Schaeffer, ténébreux archiviste, à partir de cassettes infâmes: Secret of the cooler et bird cage. Que dire? C'est parfois monstrueux, toujours étrange. Un mélange de triturage de rake, entrecoupé de bruits du quotidien et des cris de ses filles (qui donnent l'impression que Chad massacre toute sa famille avec son instrument le plus contondant, mais dans la bonne humeur), et de méditation zen: la sidérurgie vire en effet parfois à la note tenue, vibratoire, et il faut du temps pour que se dépose tout ce que le docteur a soulevé, dans sa frénésie de musicien fraiseur. On entend alors des morceaux d'opéra mal cautérisés, un avion, des discours sans queue ni tête, des rires gras, des extraits de live pitchés dans les grâââves, ou alors simplement déformés par la coagulation naturelle des bandes, un Foxy lady joué avec des moufles, des collages aériens de cordes nuageuses, des télévisions à l'envers, de plaintes de cow-boys faméliques perdus dans le labyrinthe de la galerie des glaces, le tout saupoudré de reverb finement concassée. Un disque-tempête, complet comme un ouragan, avec arbres pliés, oeil du cyclone, vagues démesurées, pillages et émeutes, et parkings déserts. Tout s'achève, comme souvent après les typhons, en reportage télé, tricoté à partir des lambeaux de ce qui reste.
ALG

lundi 27 septembre 2010

TERROR HAS SOME STRANGE KINFOLK - KILLBILLIES SOUNDTRACKS


Killbillies Banjo Solo / Killbillies Banjo/percussion duo / Killbillies Trio with Electric Rake, part 1, opus 783g / Killibillies Trio with rake, part 2, opus 45 / Killbillies song (inst) / Killbillies song (w/vocal) / Killbillies Spirit Drive, pts 1 & 2 (EC)

EC : banjo, percussion, electric rake, guitars, harmonica, vocal

Les amateurs reconnaîtront le titre d'un album avec Evan Johns et ses H Bombs (chroniqué dans ce blog) mais cette cassette est bien différente puisqu'il s'agit de l'ébauche de la bande originale d'un film fantôme, mitonné en solitaire dans les tréfonds mystérieux de son Psychad studio. Revoilà en premier plan du banjo qui chamboule la stratigraphie des montagnes appalachiennes en exploitant les mines sans concession, creusant des galeries bizarrement étayées, l’équilibre maintenu par des assemblages rythmiques boiteux de cordes chauffées à blanc au risque des coups de grisou. Chadbourne ressort les bras plein de pépites. L'improvisation est un filon inépuisable !
EG

ROMA, with ZU (1999)


EC : electric guitar
Roy Paci : trumpet
Massimo Pupillo : bass
Jacopo Battaglia : drums

Triple cassette d'une session live dans la veine brute de l'album « The Zu Side », en encore meilleure. Le groupe sonne comme un Art Ensemble of Chicago qui aurait été formé par des gladiateurs punk, buttant son jazz urbain sur des (loga)rythmiques asymétriques calculées à partir des tables compliquées du math rock (évoquant parfois Massacre, The Ruins ou The Ex). Chadbourne surfe sur les lames de plomb déferlantes de la méchante basse de Massimo Pupillo excitée par les baguettes trident de Battaglia, tandis que Roy Paci veille au grain de sa trompette inquiète. La tension est palpable comme une tumeur, le combat martial comme un sport, démonstration éclatante du Gnochi power à la sauce western.

EG

jeudi 23 septembre 2010

CHADBOURNE VOLUNTEER FIRE DEPARTMENT AND RESCUE SQUAD (2008)


Commandé par le label italien Rossbin, ce disque est une compilation effectuée par Chadbourne lui-même: piochant allègrement dans ses archives (oui, ami blogueur, même si sa discographie est monstrueusement labyrinthique, les archives du docteur lui sont proportionnelles! donc kaléidoscopiques au plus haut point), Chad nous gratifie d'une sélection toute en finesse. Pour le détail, des notes de pochette illisibles (mais esthétiques), ont fort heureusement été recopiées par quelque scribe névrosé à oeil de loupe sur le site de Squidco, nous expliquant le pourquoi du comment, détaillant au passage l'incendie dont le bon docteur fut victime il y a quelques années, et dont le titre à tiroir est sans doute la métaphore à peine voilée (par les rideaux de fumée). En bon pompier pyromane, Chad délivre ici quelques bombes incendiaires, dont le fascinant Sestina for religion, montage de bandes, ou manipulation de vinyles, en arrière-plan d'un discours poignant (réverbéré façon The president he is insane) sur la religion et ses méfaits, signé Lizzie Chadbourne, le superbe Leaves are medicine, également écrit par sa fille, le splendide Ruins of our own, et autres Old Piano et Rebuild New Orleans in Iraq, accompagnés par les Violent femmes Victor DeLorenzo et Brian Ritchie, et doublé du piano de Brian Jackson (il y a aussi Molly, l'autre fille du docteur, qui chante, et c'est une version familiale de cette jolie chanson, plus chaleur du foyer que brasier lysergique). Alternant banjo solo, chansons en trio (One more road to cross, avec Walter Daniels à l'harmonica et Earl Poole Ball au piano) ou quartet (Wishin' all these Old Things were New, de Merle Haggard) l'ensemble offre un panorama dynamique et passionnant de l'oeuvre de Chad. Mention spéciale pour Gone Till November (mixée par le batteur lui-même!, un certain Scroeder), de Wycleff Jean, qui devrait rejoindre l'excellente version du Lost Ones de Lauryn Hill sur un hypothétique mais espéré Chadbourne plays The Fugees.
ALG

mercredi 22 septembre 2010

JAZZ SCHOOL (2010) - WITH GREG MALCOM

Jazz School, paru en 2010 sur le label polonais Monotype records, est le fruit d'une rencontre au sommet entre le docteur et Greg Malcom, musicien expérimental, captée lors d'une tournée de Chadbourne en Nouvelle-Zélande, à la Polytech Jazz School de Christchurch, autour de compositions d'Eric Dolphy (Something sweet, something tender, Out to lunch, Serene, Straight up and down), ou Steve Lacy (Bone, The Crust). Enregistré nuitamment par un vrai ingénieur du son, le disque sonne parfaitement bien: les deux musiciens se plaisent à ronger paisiblement la mélodie de Bone et de The Crust pour en extraire des silences et des petits bruits mous et suspendus; Something sweet something tender vient nous rappeler que dans la tendresse, il n'y a pas que du sentiment, mais aussi pas mal de mollesse: les guitares soigneusement désaccordées se bavent l'une sur l'autre comme des gastéropodes, tandis que quelqu'un, quelque part, fait du bruit avec des machins (des fils à plomb, des graviers?). Dans la sérénité pareil: faut pas s'énerver. Serene est bien tempérée, tiède à point. Out to lunch enfonce le clou: après le dîner, la digestion, et le thème cérébral de l'original est ici descendu dans les talons, dans une digestion alchimique, pour atteindre un degré de mollesse élastiquement et spirituellement achevé. Straight up and down voit l'irruption de l'électricité, finement sous-dosée en volume. La guitare de Chad, aussi grésillante qu'un insecte dans le beurre, double le thème en relief de Malcom, avant de s'énerver en loucedé derrière ses arpèges mélancoliques et "préparés". Solis, lacis, piétinements, overdrive pistolaser et bruits de cloches tibétano-zélandaises en contrepoint. Puis tout bascule dans une fantasmagorie légèrement sidérurgique, mais toujours méditative. On distingue cette fois des traces de nerfs dans la mélasse, et des esquisses de tentations balinaises. Le gamelan sourde sous les mystérieuses figures imposées par Malcom, tandis que Chadbourne en profite pour poncer sa guitare et décaper enfin ces foutues cordes à l'aide d'ongles de métal. Les deux s'accordent enfin sur un mélange de frotti-frotta.
Dans sa version Deluxe, le disque est augmenté d'un CDr 8 cm, qui contient une reprise de Hat and Beard de Dolphy (toujours extrait du disque-maître Out to lunch) et le Spanish flang dang d'Elizabeth Cotton.
Enfin, la Deluxe Version est servie, avec T-Shirt (!), dans une somptueuse boîte en vrai bois. Chadbourne ne nous avait pas habitué à pareils délices: entre deux Cdrs velus et mordus bricolés avec colle Cléopâtre et buvards à LSD de bouilleurs de cru, ce coffret montre une fois de plus que l'oeuvre tentaculaire du bon Docteur ne se laisse esthétiquement enfermer dans aucun cadre. Bientôt la réédition des incunables en picture-vinyls translucides? Il faudrait juste, pour les stocker, un certain nombre de containers, des dockers, et une passerelle Ro-Ro.
Arnaud Le Gouëfflec

dimanche 5 septembre 2010

PSYCHAD (1997)

PSYCHAD

Swamp Room Lp
1997

Psychotic Reaction (Count 5) / She’s About a Mover (Doug Sahm/Augie Meyer) / Life’s a Gas (Marc Bolan) / I’m a Loser (Lennon/MacCartney) / Goin’ Back (Roger McGuin) / Everyone’s Been Burned (David Crosby) / How Can I Be Such a Fool (Frank Zappa) / Big Muddy (Pete Seeger) / Big John Loves His Dick (EC) / I’m Gonna Say It Now (Phil Ochs) / Jack Johnson of The Jungle / I dreamt I Was Young Again (EC) / Red Cross (Charlie Parker).

EC : voice, guitars, banjos, jungle drum tracks
with :
Evan Johns and The H-Bombs :
Evan Johns : organ
Mark Korpi : guitar
Ivan Brown : bass
Jim Starboard : drums
E.S.P. Rock Corpse :
Jimmy Carl Black : drums
Lol Coxhill : soprano nsax
Walter Malli : soprano sax
Chris Turner : harmonica
Camper Van Chadbourne :
Jonathan Segel : violin and electric mandolin
Victor Krummenacher : bass
Chris Petersen : drums
Graham Connah : keyboards
Walter Malli : soprano sax
Bruce Ackley : soprano sax
The Nashville Nightingales :
Mike Crouch : drums
Jimmy Roller : bass
Paul Lyman : piano
The Violent Femmes :
Brian Ritchie : bass and guitar
Victor De Lorenzo : drums, tambourine
The Jack and Jim Show :
Jimmy Carl Black : drums + The Centi Carina Studio Orchestra conducted by Andrea Centazzo
The Sun City Girls :
Alan Bishop : guitar
Charles Goucher : drums
Elliot Sharp : dobro
UT Gret :
Joee Conroy : sitar
David Stilley : contrabass clarinet
Murray Reams : drums
The Chadbourne Baptist Church :
Gilfred Lee Fray : vocal and alto sax
Rudy Hinnant : baritone sax and voice
David Doyle : cornet and French horn
Jay Hopkins : soprano sax
Walter Malli : soprano sax
Killali Radol : Afghan flute
Shep The Hep : electric bass
Murray Reams : drums
+ Ed Cassidy : drums

Ce vinyle en édition limitée (« a psychedelic Chad Head collectors item limited to 500 copies ») voit le jour grâce au label underground allemand (à forte tendance psychédélique), également responsable des éditions picture-disc de Young And Innocent Days et Psychadelidoowop.
Chadbourne fouille ses tiroirs et régale d’une bonne poignée d’inédits aux côtés d’extraits des albums Sin Funny Life’s a Gas », « I’m a Loser » et « Goin’ Back », avec Camper Van Chadbourne), Country Music in The World of Islam (“Big John Loves His Dick” avec les furieux de Sun city Girls) et Hello Recording Club (“I Dreamt I Was Young Again”, en solo). Cette compilation permet d’entendre des formations inédites ou du moins peu enregistrées à ma connaissance (en attendant un hypothétique inventaire plus complet des cassettes…). On retrouve à son avantage Evan Johns and the H Bombs beaucoup plus péchu que sur les albums studio (« Psychotic reaction ») ; les trop rares UT Gret avec l’éléphantesque clarinette basse de David Stilley, pour un « Big Muddy » countryfreefolk sans doute échappé des sessions de Time Of The Grets ; une reprise nerveuse de Phil Ochs en concert « avec » les Violent Femmes (on n’entend que De Lorenzo au tambourin !) ; The Nashville Nightingales filant la perle mélancolique de David Crosby (« Everybody has been burned ») gâchée par la lourdeur du batteur Michel Crouch ; ou le Jack and Jim Show déjouant Zappa sur lit de cordes sirupeuses (« with The Centi Carina Studio Orchestra conducted by Andrea Centazzo » ???). Le très british et pince sans rire Lol Coxhill - qu’on rêverait d’entendre jouer plus souvent avec Chadbourne – fait son apparition exceptionnelle dans la chanson de Doug Sahm (« She’s about a Mover », titre qu’on retrouvera plus tard dans Texas Session 2).
La pièce de résistance est l’oeuvre de la Chadbourne Baptist Church qui prêche les joies spirituelles du bordel anarchiste et de la débauche musicale luxuriante dans le bien nommé «Jack Johnson of The Jungle», jouissive confusion orchestrale autour de la ligne de basse du thème de Miles Davis, et fidèle au foisonnement de sa période dite électrique.
Enfin cette compilation à dominante acide s’achève par un passage d’une session radio de 1996 (cassette «Scaring Off Bassists») en compagnie de l’ancien batteur du groupe Spirit - Ed Cassidy - jazzman maladroit mais soutenant ce qu’il faut une improvisation de guitare bebop en diable !
EG



ORANGE CLAW HAMMER (THE JACK AND JIM SHOW - 2001)


ORANGE CLAW HAMMER
“Jack and Jim Play the Music of Captain Beefheart”

Inkanish CDR 2001

EC : guitar, banjo, vocals
JCB : drums, vocals
(+ Don Preston, Ashwin Batish, Chris Turner, Brian Ritchie, Tony Trischka, Murray Reams)

That Buggie Boogie Woogie / The Sheriff of Honk Kong / Orange Claw Hammer / Neon Meat Dream of an Octafish / Click Clack / Plastic Factory / Clear Spot / Drop Out Boogie / The Blimp Indian Style / Willie The Pimp (Zappa) / My Human Gets Me Blues / Steal Softly Trough Snow / Veteran’s Day Poppy / Veteran’s Day Poppy (reprise)

Compilation spécialement consacrée à Captain Beefheart, à partir de morceaux extraits des albums Live Ceder Cultural Center, The 7th Street Entry Nightshift, 2001 : A Spaced Odyssey et Locked In A Dutch Coffee Shop.
Autant ils savent convaincre dans les reprises zappaiennes, autant on peut être déçu par la platitude de leur approche de l’univers de Dan Van Vliet dont ils ne captent que très furtivement la poésie foutraque. Un comble quand on sait leurs parcours et l’inventivité de Chadbourne dans d’autres contextes. Aucune trace ici des fameuses constructions bancales ou déconstructivistes du Magic Band, juste un maigre souvenir de ce blues d’avant-garde surréaliste en danger permanent. Le duo se la joue tranquille et peinard, avec quelques sursauts (« Orange Claw Hammer »), mais oubliant l’urgence et l’élan révolutionnaire d’œuvres aussi hallucinantes que Trout Mask Replica ou Mirror Man. Restent les textes, évidemment privés de la force de la voix du Capitaine mais surtout affadis dans ce contexte musical appauvri. Difficile il est vrai de recréer à deux les ruptures et l’affolement des lignes entrecroisées du Magic Band, ou chacun semblait jouer un rôle de soliste permanent. Par ailleurs l’exemple typique du plagiat, certes assumé et revendiqué par Doctor Dark (voir Live with Doctor Dark), montre que Beefheart reste inégalable sur son terrain. C’est finalement en s’en éloignant qu’ils lui sont le plus fidèle, dans le registre de l’énergie hendrixienne (« Veteran’s Day Poppy ») ou le montage des bandes cette fois réellement magiques de l’excellent Pachuco Cadaver, autrement plus excitantes que ces versions sympathiques mais édulcorées.
EG



THE EARLY YEARS (THE JACK AND JIM SHOW - 1994)

91 - The Early Years (1994)

Inkanish CDR 2001

EC : guitar, banjo, vocals
JCB : drums, vocals
Chris Cornetto : cheap organ on Pill Up Architecture

A Good 250 Tolar Room (D.V. Vliet) / More Fresh Garbage (Fergusson/California) / I'm Willin' / Hello, Mr. Soul (EC) / That Strange Feelin’ in My Heart (Tim Buckley) / The Blimp (D.V. Vliet) / Trouble Coming Every Day/Oh No (F Zappa) / The Cave (Larry Kingston) / That's the Way Love Goes (Lefty Frizzell) / Shockabilly Song (Pile Up All Architecture) (EC/Kramer) / Secret of the Cooler (EC) / My Guitar Wants to Kill Your Mama (F Zappa) / Nazi Punks, Fuck Off (Jello Biaffa) / Lonesome Cowboy Burt (F Zappa) / Everybody Loves a Nut (Jack Clement) / Jack Likes His Jazz (Donna Lee) (Charly Parker) / Born on the Bayou (J Fogerty) / The Powwow Trail (EC/JCB).

Cette autoproduction du discret label de Jimmy Carl Black est plutôt bâclée (compositions et invités non crédités, imprécisions de certains titres, coupes brutales, bip sonore du matériel enregistreur, graphisme basique) mais offre une généreuse sélection de titres captés en live lors de la première tournée de 1994, (bien qu’aucune information ne soit non plus donnée sur les dates et lieux d’enregistrements). Une cassette du même nom, sans autres renseignements, circulait également à l’époque avec une tracklist plus fournie.
Le Jack & Jim Show rode encore sa formule et jouit alors d’une fraîcheur d’exécution qui plus tard pourra lui faire défaut. Soutenu par l’indéfectible et rudimentaire assise rythmique du batteur (pourtant non dénué de finesse), Chadbourne navigue à l’aise entre balades tranquilles et tempêtes où pleuvent des cordes : celles d’un banjo endiablé et hypnotique (longue version effrénée de «Fresh Garbage», le classique «Nazi Punk») ou celles de guitares torturées à l’électricité (le dramatique et passionnant «Secret Of The Cooler» ou l’urgent «Pill Up Architecture », tous deux en provenance de Shockabilly, ou encore l’Hendrixien «Hello, Mr Soul» basé sur le riff de «Satisfaction» des Stones). Le répertoire privilégie largement les reprises, coutumières comme les insolites loufoqueries de Zappa et Beefheart, ou plus rares comme cette fine interprétation du «Donna Lee» de Charlie Parker, (histoire de rappeler que Chadbourne est un habile jazzman) ou la curieuse version brouillonne et éthylique du tube de Creedence, «Born On The Bayou», intégrant une citation du «Tomorrow Never knows» des Beatles ! avant de se terminer dans le chaos. Enfin leur imitation de chant indien sur rythme tribal emporte toujours l’adhésion bien que la brusque coupure du morceau en pleine envolée soit des plus frustrantes. «The Early Years» se classe parmi les meilleurs crus du Jack & Jim Show dans tous ses états : tour à tour érudit, brut, excité ou paresseux, magnétique et direct, dilettante et jazzy, génial ou mollement inspiré…
EG




Nijmegen Hassen Hunt (1990)


NIJMEGEN HASSEN HUNT

Nosehair #010 / Noiseville #51 (1995)
House Of Chadula # 1990D

Theme from Membrane (EC) / Peter Brotzmann Describes Seoul Nightlife To Jim Hi Kim And She Makes A Disgusted Face (EC/Jin Hi Kim) / Residue From Decision To Let An 18-Year Old Housesit While We Were In Europe (EC) / Bunyan (EC) / Chasin Captain Jack (EC) / Electric Rake Solo (EC) / Brixton Punks Vs. Hippies Incident (EC) / Invitation To a Jam Session (EC) / Family Visits (EC) / More Electric Rake (EC) / Eugene Stinks (EC) / Gospel Rake (EC) / Succesful Attempt to Terrify Neurotic Collie Featuring Eccentric Composer Who Later Joined Leather Club (EC) / Oil Of Hate (EC) / Nijmegen Hassen Hunt (EC/Bennink) / Excerpt From One and Only Tel-Aviv Bats Gig (EC/Denley/Moss) / I'll Sail My Ship Alone (Bernard/Burns/Mann/Thurston) / Groningen Bells/Truth is Marching In (Ayler) / The Porthole (EC).

EC : electric guitar, acoustic guitar, acoustic 12 string guitar, deering 5-string banjo, prepared piano, percussion, electric bass, electric rake, vocal, tapes, radio, communist harmonica, amplified ship porthole, rubber bands.
Jin Hi Kim : Komungo
Joee Conroy : mini-bass, fiddle
David Stilley : horn
Murray Reams : drum set
Opaz Elbatnrut : turkish bagpipes
Leslie Ross : bassoon
Bart : dialogue
Gilfred Lee Fray : piano, voice, miscellaneous instruments
John Pasquini : violin
Jeff Weichinger : electric bass
Rudy Hinnant : baritone saxophone
“Van Halen” : electric guitar and voice
Melody the Collie : barking, howling
Molly Chadbourne : vocal
Jonathan Segel : violin
Victor Krummenacher : bass
Marko Novachcoff : baritone saxophone
Tim Holmes : bass saxophone
Murray Reams : drums
Han Bennink : bugle, percussion, harmonica
Jim Denley : alto sax and “flax” (flute w/reed)
David Moss : toy drums, drums, electronics, voice, etc.

Après l’inépuisable Electric Rake Cake, Chadbourne pioche à nouveau dans ses archives et nous ressert une compilation dense et foutraque largement constituée d’inédits.
Rude entrée en matière avec « Theme From Membrane », extrait de la bande originale (non retenue) d’un film d’horreur, à mi chemin entre le rouleau compresseur bruitiste et brutal de The English Channel et les traînées exaltées de guitares frénétiques à la Guitar Freakout, en totale opposition avec la longue et calme improvisation, inspirée semble t-il d’un mouvement du sanjo coréen, en compagnie de la joueuse de komungo (cithare à frettes) Jim Hi Kim. Un autre témoignage de ce concert au festival Taklos de Zurich figure également dans le Komunguitar de Kim.
Laissant entendre la rythmique serrée et la couleur instrumentale immédiatement reconnaissables de la Chadbourne Baptist Church et son étonnante section de cuivre, « Bunyan » est la même version que celle de l’album à venir Chad-Born Again, augmentée ponctuellement des circonvolutions de la cornemuse écossaise d’un certain Opaz Elbatnrut (?). De même Chasin’ The Captain Jack est un fragment légèrement transformé de la suite transposant des chants et rythmes sioux, parue à l’origine sur cassette et remixée par la suite avec Communication is Overrated.
Rien de tel ensuite qu’un bon petit solo supersonique d’electric rake pour exciter les esprits comme dans « Brixton Punks Vs. Hippies Incident », dispute survenue en plein concert et bien sûr récupérée par Chadbourne qui se plait à exploiter dans ses enregistrements des fragments volés à la réalité (cf Jungle Cookie), à l’exemple du message de répondeur de «Residue From Decision… » ou du visiteur de « Invitation to a Jam Session ».
Inspiré d’un cauchemar chez ses beaux parents, le blues décharné à la Johnny Cash de «Family Visits» est un vrai petit chef d’œuvre désopilant ou le mix décalé entre banjo, guitare et voix exprime à merveille l’ennui et la déprime. Défoulement garanti alors avec les riffs déchirés et les saturations de «Eugene Stinks» (extrait de la cassette du même nom), parfait exemple de pure folie également à l’oeuvre dans «Gospel Rake», mêlant râteau électrique et bande radio à la manière d’un cartoon, ou «Oil Of Hate» (version du EP), chanson déjantée dominée par la voix délurée de Molly en cantatrice trash prépubère. Dément !
On retrouve ensuite à son meilleur niveau l’effervescent duo avec Han Bennink, expert en figures libres swinguantes, pour deux morceaux (captés lors de la tournée hollandaise de 1992, non documentée par ailleurs) qui rappellent certains moments de Tears. Egalement une version inédite à trois du Relative Band, avec Moss et Denley, dans un medley enchaînant selon les requêtes du public improvisation surexcitée et jeu imprévisible hors contrôle, sur «Ticket to Ride», «Walk across Texas» et «Summertime». Enfin deux reprises tendues et torturées d’Albert Ayler qui comptent parmi les meilleures enregistrées par Chadbourne, précédent la pièce de résistance finale « The Porthole », en forme de ligne rythmique assemblée de bric et de broc à partir de multiples frottements, crissements de feutre, jeu de ballons de baudruche ou d’élastiques…
Nijmegen Hassen Hunt regorge de moments forts et tient la dragée haute à ses disques les plus fous !
EG










CHAD AND HAN (2005)


CHAD AND HAN

House of Chadula # 2005A
Recorded by Bob O’Haire at Tonic, NYC, June 2004.

Broken Chair (Black uluru) / Tall Tall Trees (George Jones/Roger Miller) / Drivin’ My Life Away (David Malloy/Eddie Rabbitt/Even Stevens) / E. Hassen (EC/HB) / Girl from Alqueda (Vinícius de Moraes/Antonio Carlos Jobim /EC) / Star Spangled Bush / Deliverance / Ramblin’ / Missing Wallet / The Johnsons / From Canada / Jazzmania Banjo / River Man (Nick Drake)/ I’ve Been Everywhere (EC) / Strong Family / Over Under Sideways Down (Jeff Beck) / Peace on Earth / Cluck Old Hen / Cluck Old Bush I / Cluck Old Bush II / Jack Johnson/Loneseme Fugitive.

EC : guitars, banjo, vocals
Han Bennink : percussions, piano

21 Years Later marquait les retrouvailles avec le « hollandais violent » à l’occasion de leur tournée américaine de 2000. Chad and Han est la captation d’un concert donné 4 ans plus tard au club de John Zorn, par les bons soins de Robert O’Haire qui depuis quelques années enregistre occasionellement les prestations de Chadbourne et lui fournit ses bandes (2001 a spaced odyssey, Dr. Chad’s Adventures at the Guitar Festival, Jimmy 2, We'll be together again…).
On attend beaucoup du choc naturel entre ces deux électrons libres, monstres sacrés forgés à toutes les expériences de l’impro et aux pratiques de l’éclectisme musical, à la fois amuseurs publics patentés aimant se donner en spectacle et musiciens guidés par la plus haute exigence, convaincus que l’humour c’est du sérieux !
Malgré un insatiable appétit de jouer, leur énergie fait un peu défaut dans ce concert globalement moins inspiré (le faiblard « Jazzmania Banjo ») qui reste un cran en dessous de l’album précédent. Le répertoire est cette fois moins jazz et une large part est laissée aux chansons. La reprise brouillonne du chef d’œuvre de Nick Drake tient difficilement la comparaison, privée de la grâce et de la magie de l’original (contrairement à la version de «Thought of Mary Jane » dans Songs). Les meilleurs moments sont électriques grace à la guitare définitivement étonnante d’un Chadbourne tendu et survolté à souhait («Jack Johnson», l’excellentissime « Drivin’ My Life Away », « I’ve been everywhere ») même quand il débranche l’ampli ! Bennink est moins tonitruant qu’à l’accoutumée mais fait preuve d’une pertinence sans faille et d’un touché subtil (« Cluck old Hen » est un morceau entrainant à la Jack and Jim Show qui permet de bien mesurer la différence avec J.C. Black).
Il retrouvent quand même toute leur verve dans l’apothéose finale de l’enchaînement « Cluck old Bush » (sur fond d’extraits de déclaration du cher George W.), «Jack Johnson» (morceau le plus rock de Miles Davis) et le génial «Lonesome Fugitive».

EG

EC/QR (2002)


EC/QR

CD-R (No label)
recorded at Mo-Fo third Antifolk Festival, Mains d’Oeuvre, Saint-Ouen (France) june, 26 2002

All These People / Stories About Stolen Gear / Stories About The Metro / La Motte Piquet / Godard At The Beach.

EC : 5-string banjo
Quentin Rollet : alto saxophone

La session a lieu lors de la troisième édition du festival « antifolk » MOFO à Saint Ouen (également à l’affiche : Daniel Johnston, Herman Düne, Jeffrey Lewis, Kimya Dawson, The Married Monk, Mendelson, …) organisée dans le cadre des riches activités culturelles de Mains d’Oeuvre, lieu de concerts et atelier de création en même temps que structure d’accueil pour artistes en résidence. Ce CD-R autoproduit fut vendu sur place dès le lendemain de son enregistrement et non distribué par la suite.
Quentin Rollet est avec Noel Akchote le créateur de l’inclassable et atypique label Rectangle, comportant à son catalogue des personnalités aussi singulières que Red, David Grubbs, Jean-Louis Costes, Benoit Delbecq, Charlie O., Katerine… ainsi que plusieurs disques de Chadbourne (The Acquaduct, le duo avec Derek Bailey, Tout For Tea et le 45t en hommage à Doug Sahm) qui trouve naturellement sa place dans cette famille de musiciens hors normes.
Le duo invente à rebrousse poil des histoires librement inspirées et entièrement improvisées, ou l’absence de thème laisse place au tissage de textures complexes et riches en accrocs. Tandis que les flux et reflux des grappes de banjo créent une assise mouvante, le saxophone imbriqué de Quentin Rollet explore sans pathos la dynamique du souffle et l’art des nuances finement ciselées, en une foule de micro évènements et de ponctuations qui trouvent leur point d’équilibre. Cette musique intensément concentrée dans le présent exige une écoute hyperactive pour une immersion totale, familière aux amoureux du free. Un disque court (28 mn), intense, sans concessions ni austérité, introuvable et chaudement recommandé !
EG

Dimsum, dodgers, and dangerous nights (2000)


DIMSUM, DODGERS, AND DANGEROUS NIGHTS

Volatile Records - VCD003 Cd
2000

If I Were a Bell (Variations on a Theme by Holst) (EC/VB/RdJ) / I Challenge You to an Epiphone Duo / (EC/VB) / Death Lives Down In That Bayou (EC/VB/RdJ) / My Mother’s Eyes (Baer/Gilbert).

EC : guitar, banjo, vocals
Vertrek Ensemble :
Vadim Budman : guitars, 12 strings, hammered guitar, trumpet, cornet, flute, harmonica
Ron de Jong : drums, percussion, cymbals, various bells and Doo-Dads

« Vertrek » est le mot hollandais pour « départ », définissant le duo comme une cellule de base en attente de greffe compatible avec des organismes libres fonctionnant eux aussi au carburant de l’improvisation, et trouvant en Chadbourne - après Derek Bailey - un invité de choix pour cette troisième production maison (Budman est le créateur de Volatile Records).
« If I Were a Bell » dessine les contours irréguliers d’un vaste puzzle riche en détails savants, assemblés en de multiples mouvements flexibles, série de résonances et d’échos diffractés d’un thème vite abandonné, comme autant de lignes de fuite sortant du cadre. Cette longue pièce maîtresse a des allures d’architecture déstructurée faite de changements d’échelle, se découvrant par un parcours chaotique et sans balise, aussi risqué pour les membres du trio que passionnant pour l’auditeur féru de ce type d’expériences.
Tout aussi improvisé mais bien différent, « I Challenge You to an Epiphone Duo » déserte les espaces éclatées et se concentre sur un double discours croisé de guitares acoustiques, sorte de confrontation pacifique en accords et désaccords contrapunctiques de lignes sinueuses entremêlées ou juxtaposées, qui évoque certains passages de The Guitar Lesson avec Henry Kaiser.
Le dispensable “Death Lives Down in That Bayou” marque une baisse de régime et d’inspiration - avec un Chadbourne en pilotage automatique – rappellant l’équilibre fragile d’une pratique musicale pouvant basculer à tout moment de l'excitation à une mécanique routinière, qui plus est tributaire de la motivation et de la capacité de l’auditeur à construire son écoute.
Après ces longues pérégrinations sans thème, la mélodie mélancolique de « My Mother’s Eye » n’en est que plus poignante, bien que défigurée par la voix dilettante d’Eugene, mieux appliqué dans son solo final.
EG