mercredi 22 septembre 2010

JAZZ SCHOOL (2010) - WITH GREG MALCOM

Jazz School, paru en 2010 sur le label polonais Monotype records, est le fruit d'une rencontre au sommet entre le docteur et Greg Malcom, musicien expérimental, captée lors d'une tournée de Chadbourne en Nouvelle-Zélande, à la Polytech Jazz School de Christchurch, autour de compositions d'Eric Dolphy (Something sweet, something tender, Out to lunch, Serene, Straight up and down), ou Steve Lacy (Bone, The Crust). Enregistré nuitamment par un vrai ingénieur du son, le disque sonne parfaitement bien: les deux musiciens se plaisent à ronger paisiblement la mélodie de Bone et de The Crust pour en extraire des silences et des petits bruits mous et suspendus; Something sweet something tender vient nous rappeler que dans la tendresse, il n'y a pas que du sentiment, mais aussi pas mal de mollesse: les guitares soigneusement désaccordées se bavent l'une sur l'autre comme des gastéropodes, tandis que quelqu'un, quelque part, fait du bruit avec des machins (des fils à plomb, des graviers?). Dans la sérénité pareil: faut pas s'énerver. Serene est bien tempérée, tiède à point. Out to lunch enfonce le clou: après le dîner, la digestion, et le thème cérébral de l'original est ici descendu dans les talons, dans une digestion alchimique, pour atteindre un degré de mollesse élastiquement et spirituellement achevé. Straight up and down voit l'irruption de l'électricité, finement sous-dosée en volume. La guitare de Chad, aussi grésillante qu'un insecte dans le beurre, double le thème en relief de Malcom, avant de s'énerver en loucedé derrière ses arpèges mélancoliques et "préparés". Solis, lacis, piétinements, overdrive pistolaser et bruits de cloches tibétano-zélandaises en contrepoint. Puis tout bascule dans une fantasmagorie légèrement sidérurgique, mais toujours méditative. On distingue cette fois des traces de nerfs dans la mélasse, et des esquisses de tentations balinaises. Le gamelan sourde sous les mystérieuses figures imposées par Malcom, tandis que Chadbourne en profite pour poncer sa guitare et décaper enfin ces foutues cordes à l'aide d'ongles de métal. Les deux s'accordent enfin sur un mélange de frotti-frotta.
Dans sa version Deluxe, le disque est augmenté d'un CDr 8 cm, qui contient une reprise de Hat and Beard de Dolphy (toujours extrait du disque-maître Out to lunch) et le Spanish flang dang d'Elizabeth Cotton.
Enfin, la Deluxe Version est servie, avec T-Shirt (!), dans une somptueuse boîte en vrai bois. Chadbourne ne nous avait pas habitué à pareils délices: entre deux Cdrs velus et mordus bricolés avec colle Cléopâtre et buvards à LSD de bouilleurs de cru, ce coffret montre une fois de plus que l'oeuvre tentaculaire du bon Docteur ne se laisse esthétiquement enfermer dans aucun cadre. Bientôt la réédition des incunables en picture-vinyls translucides? Il faudrait juste, pour les stocker, un certain nombre de containers, des dockers, et une passerelle Ro-Ro.
Arnaud Le Gouëfflec

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