Un recueil dédié à Don Van Vliet, alias Captain Beefheart, manifestement une des grandes influences de Chadbourne.
Pachuco Cadaver n'est pas vraiment à proprement parler un album du Jack and Jim Show mais en grande partie une suite de pièces orchestrales plus ou moins reconstruites par le montage des bandes, une pratique courante depuis The English Channel (cf le morceau éponyme, ou l'on baigne en pleine folie). Préférence est donnée aux longs morceaux instrumentaux, avec la participation de divers invités qui élargissent les perspectives et viennent enrichir la base musicale du duo, d'ordinaire axée sur de simples reprises chantées.
C'est bien sûr le Beefheart radical et hallucinant de Trout Mask Replica, plutôt que le créateur mainstream assagi de Bluejeans and Moonbeams, qui est à la source de ces cadavres particulièrement exquis, décomposés en hommage à la folie du peintre musicien et son étrange Magic Band, mélange de rugosité free rock et de sophistication psychédélique décalée et souvent inquiétante. (Cf le multirecording de Clear Spot ou Pachuco Cadaver, le bordel acide de Veteran's Day Poppy qui pourrait faire penser à la rencontre d'Henry Cow avec le Velvet de White Light White Heat !). Comme un peu de jus de fruit après trop d'alcool, le disque s'achève par une sobre et superbe version de The Dust Blow Back, où la batterie dépouillée de Black fait merveille.
Au final un album moins pêchu et concis que le premier opus, mais une musique plus aventureuse qui devrait ravir les fans du capitaine.
L'édition originale comporte un petit livret dessiné par Chadbourne qui résume son rapport à Beefheart et évoque quelques anecdotes racontées par Jimmy Carl Black, relatifs notamment aux rapports conflictuels entre Zappa et Beefheart lors des sessions du fameux Trout Mask Replica.
Emmanuel Girard
Captain Beefheart le disait lui-même: il ne faisait pas des chansons, mais des "monstres". Monstres particulièrement velus, donc, sur Trout Mask Replica, ce disque plein de créatures inédites enregistré grâce à (et parfois contre) Frank Zappa, qui voulait permettre au Capitaine de graver ce qu'il avait vraiment dans le coeur. Et le résultat a décoiffé bien des scalps. Eugene Chadbourne, entre autres, a sûrement connu un des chocs de sa vie à l'écoute de ce bazar pluridimensionnel et non euclidien, et s'en est souvenu sur ce disque-hommage, réalisé avec Jimmy Carl Black le magnifique, ex-mothers de Zappa, donc, et ex-Magic band de Captain Beefheart (il y fit un bref passage) et quelques invités. Après quelques titres pur Jack and Jim (un duo batterie-banjo), le disque vire à l'inquiétant et à l'onirique (ce qui chez Beeefheart revient au même) et s'effiloche avec jubilation sur Clear spot, Veteran's day poppy ou Chasing the captain Jack, patchwork de bandes collées, rapiécées, de morceaux assemblés comme les membres d'une créature à-la-Frankenstein ("Je fais des monstres") traversés de voix pitchées dans les graves, qui évoquent irrésistiblement le beau bazar du rock satanique, des ses syllabes inversées, de ses messages cachés. Il paraît que dans certaines serres, on passe de la musique aux plantes, pour qu'elles se développent plus harmonieusement. N'oublions pas que, lors des sessions de Trout Mask Replica, quelqu'un était payé pour mesurer la souffrance des arbres autour du studio.
Arnaud Le Gouëfflec
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