mardi 25 novembre 2008

THE ENGLISH CHANNEL

1978 - Parachute P-00? House of Chadula #1978A
Musicians from NY performance, 1978 :Fred Frith : electric guitar - Davey Williams : acoustic and electric guitar - Bob Ostertag : Serge synthesizer - Steve Beresford : piano, euphonium, toys - Thoshinori Kondo : trumpet, euphonium - Lesli Dalaba : trumpet - Mark Kramer : cheap organ, trombone - Charles Ver Straeten : trombone - Wayne Horvitz : keyboard, harmonica, acoustic bass - Evan Gallagher: keyboard, percussion - John Zorn : alto and soprano sax, Bb clarinet - Polly Bradfield : violin - La Donna Smith : violin and viola - Jim Katzin : violin - Tom Corra : cello - Andrea Centazzo : percussion
Musicians from Greensboro, 1981 : David Licht : drums - Dennis Licht : percussion - Shep The Hep : bass - Steve Amowitz : percussion - David Nikias : percussion, specimen jars - Garry Collins : drum set - Seth Dworkin : synthesizer - Byron Haskins : synthesizer - Geoff Fliolo : clarinet - Marian Wilson : oboe - Gil Fray: clarinet, alto sax, voice - Doug Baker : guitar - Deborah Ibrahim : violin - Amanda Masson : violin - John Pasquini : violin - David Doyle : French horn, classical guitar - Doctor Chadbourne : everything else.

Après ses premiers essais dans la tradition free européenne et son travail avec Zorn, Chadbourne explose littéralement dans cette pièce « orchestrale » folle qui constitue un nouveau départ et ouvre de nouvelles perspectives annonçant les projets à venir. Explorant les joies du collage et du bidouillage foutraque pour former une gigantesque fresque délirante, le bon docteur nous donne toutes les raisons de douter de sa santé mentale en nous présentant un laboratoire d’expériences qui semble mettre en scène ses fantasmes de musique totale, affranchie des limites de genres et de la bienséance.Le principe de la composition, basé sur la juxtaposition et le télescopage de multiples sources sonores, permet toutes les combinaisons possibles et offre un terrain de jeu sans limites, comme une sorte d’illustration de la théorie du chaos. La pièce est une longue séquence linéaire au découpage frénétique qui produits des effets de contrastes, de surprises et de pied de nez tout bonnement hilarants, suivant un processus de prolifération et de multiplication infinie des événements, comme sous l’effet d’un virus dévastateur, la suite n’ayant véritablement ni début ni fin. Ce sont tous les styles musicaux (toutes les sensibilités et donc toutes les cultures) qui sont conviés et interagissent, chaque source, quelque soit son origine, étant mise sur le même plan, sans hiérarchie de valeur. A titre d’exemple : vieux disques de jazz, musiques et extraits de films, programmes radio, bandes son de cartoon, fragments de concert, chansonnette, impros free, flon flon d’accordéon, bruitages divers, psychobilly, vieux airs folkloriques, hard bop, bandes accélérées, etc. Chadbourne, à partir de ce projet, n’aura d’ailleurs de cesse de passer avec bonheur d’un genre à l’autre. On pourra trouver que l’orchestre des « 2000 Statues », regroupant la crème des improvisateurs new-yorkais de l’époque, reste malgré tout sous exploité et quelques peu noyé dans l’ensemble, mais la moulinette du chef d’orchestre opère un tel découpage qu’il n’est pas laissé de place aux longs développements orchestraux ou solistes habituels. On pense forcément aux futures pièces de John Zorn (les Game Pieces de Cobra ou les montages de Spillane et Godard) qui malgré leur force et leur concision, semblent être des rejetons policés ou édulcorés de The English Channel. L’idée de collage surréaliste n’est certes pas nouvelle (la fameuse « rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ») mais l’œuvre dégage une telle frénésie et une telle richesse qu’elle emporte l’adhésion de l’auditeur courageux qui aura fait l’effort de tenir la distance. Car si la plongée dans ce maelström musical est certes passionnante, elle pourra être vécue comme une épreuve difficile y compris pour les oreilles habituées aux expériences extrêmes, même si l’on est loin d’atteindre les ravages d’un lavage de cerveau à la Merzbow. The English Channel est un bouillon de culture qui nourrit encore l’esprit et la pratique de Chadbourne aujourd’hui, c’est pourquoi son écoute est indispensable pour quiconque voulant prendre toute la (dé)mesure du bonhomme. Créée à l’origine en 1978, la pièce a été retravaillée longuement et de nouvelles versions sont sorties en cassettes. La récente édition sur CD-R, essentiellement un mix du lp d’origine et d’un concert à Greensboro de 1981, est considérée par son propre créateur comme la version définitive.
Emmanuel Girard


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