MOTORHELLINGTON
Felmay
2001- St Peter Keys Studio, Rome, Italy.
Iron Man (Iommi/Osbourne/Butler/Ward / The Robots (Hutter/Schneider) / Chain of Fools (Don Convay) / Boogie Stop Shuffle (Charles Mingus) / Corcovado (Jobim) / Pushin' To Hard (Sky Saxon) / Sex Machine (Brown/Byrd/Lenoff) / Sacrifice (Motorhead).
Doc. Eugene Chadbourne : electric rake, voice, guitar, gnocchi power/Jacopo Battaglia : large pieces of woods with skins on/Luca Thomas May : an Adolph Sax idea, throat/Roy Paci : trumpet of apocalypse, various voices/Massimo Pupillo : a piece of wood with 4 strings on
Deuxième album avec le groupe italien de punkjazzprog Zu (connu aussi pour ses collaborations avec Dälek, the Melvins, Mike Patton, Mats Gustafsson – mention spéciale pour leur titre Tom Araya is our Elvis - Tom Araya est le chanteur/bassiste de Slayer). Motorhellington est un disque de rock garage, et pas seulement parce que les musiciens y reprennent Pushin' too hard des Seeds (un des hymnes absolus du genre, servi ici dans une sauce pure garage, avec déflagrations de solos crépitants): ils y saccagent avec une fougue juvénile (Chadbourne a tout de même 47 ans à l'époque, mais je veux parler de cette monstrueuse énergie adolescente de teenage caveman qui électrifie la série Back from the grave et, pire, les ténébreuses compilations Boulders, qui sont au rock garage ce que l'Encyclopédie de d'Alembert est à tout le reste)- ils y saccagent donc à l'adolescente des hymnes aussi boursouflés que le Iron Man de Black Sabbath, Sacrifice de Motorhead, et quelques tueries éternelles comme Sex Machine. Sur la pochette, Chadbourne prouve qu'il aurait fait un excellent Lemmy. A noter, hasard ou pure synchronicité, que c'est précisément à Boulder (Colorado) qu'il a grandi.Une fois de plus Chadbourne pervertit la jeunesse en fricotant avec des sauvageons punk excités (après Turboneggro, Jad Fair, les années Shockabilly). Leur première collaboration était entièrement improvisée (The Zu Side), celle-ci pioche dans des standards rodés pendant la tournée qui a précédé la mise en boite de l'album, plus accessible et plus accrocheur pour cause de thèmes reconnaissables et empruntés à des genres a priori opposés (de Motorhead à Jobim !) avec un évident plaisir pervers. Que penser de ces types, rois du grand écart, qui passent sans vergogne et avec une souplesse féline, de l'artillerie lourde (rythmique super plombée et dévastatrice de The Robots) aux flottements brumeux d'un délicieux Corvocano, moment de calme avant la tempête de Pushin' Too Hard au crescendo aussi intense que la version live des Seeds.
Zu + Chadbourne c'est à la fois l'association illégitime entre Lemmy et Ornette Coleman, une machine infernale et dopée (« Zu : boyband from hell »), un workshop fidèle à l'esprit de Mingus (entre les cuivres free de Iron Man et l'urgence de Boogie Stop Shuffle), des gros bœufs malins et sensibles, trop doués pour être vulgaires, des sales gosses qui s'amusent à reprendre Sex Machine au râteau électrique (avec changement des paroles, citation de la panthère rose, bidouillages électroniques, souffleurs brûlants) sans perdre le groove d'origine.
La pochette parodie l'imagerie satanique et grand guignol des groupes de métal jusqu'au cauchemar le plus barbare (livret intérieur à déconseiller même aux âmes les plus insensibles !) qui pousse le voyeurisme jusqu'à l'écœurement total mais présenté avec « humour » (« Parental advisory : explicit gnocchi recipes », les illustrations de hachoir à viande et de pin-up) dépassant les limites de l'incorrect. De quoi laisser pour le moins sceptique sinon scandalisé. Un drôle d'objet qui risque de sonner trop hard aux oreilles des amateurs de jazz et trop jazz pour les fans de métal, mais une réussite indéniable tout de même, hachoirement parlant.
Emmanuel Girard
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