CHADBOURNERIES: HOT BURRITO 2 (1992)

HOT BURRITO 2

Extraplatte EX186

CD House of Chadula #1992A

Recorded on november 17 and 18 1992 by Ulrich Goebel at Volkshochschule Ottakring in Vienna/Austria.

Country and Eastern Part One (EC, WM, WD) / Country and Eastern Part Two (EC, WM, WD) / And Then He Farted (W. Malli) / Hot Burrito #2 (Graham Parsons) / Austerbookless Days (EC, WM, WD) / Haushuhn (EC, WM, WD) / Exosphere/Tales of the Fish (Clifford Thornton) / Someday My Prince Will Come (Frank Churchill / Larry Morey).

EC : guitar, banjo and voice

Werner Dafeldecker : bass

Walter Malli: soprano saxophone

Le Docteur nous livre ici un très bon disque d'impro, avec le saxophoniste Walter Malli et le bassiste Werner Dafeldecker. Son de très bonne facture, atmosphère recueillie, effets subtils, basse très fine, discrète et en même temps très présente: c'est bien simple, on dirait du jazz! Et je dirais même plus, on dirait du Eric Dolphy, ce qui n'est pas étonnant de la part de Chadbourne, grand fan du maître. On retrouve cet effet "jazz horaire", concept sans aiguille que je n'arrive pas à expliquer, mais qu'on peut déguster sur Out to lunch par exemple (peut-être que c'est le mouvement de balancier de la basse qui donne cette impression indéfinissable d'horloge). Chadbourne se livre ici à un exercice qu'il affectionne parfois: se fondre dans un groupe, devenir un musicien improvisé comme les autres, et rechercher la fusion avec ses camarades de jeu. Tout entier au service de la musique, il nous prouve qu'il peut parfois arrêter de sauter par-dessus l'ar-en-ciel, d'aplatir des dinosaures ou de mâcher des baleines. Bref, c'est ici le docteur sérieux, appliqué, méditatif qui fait infuser sa guitare et son banjo dans le free jazz, mais qui se fend cependant d'une reprise des Flying Burrito Brothers, histoire de rajouter un soupçon de country dans la sauce. Paru sur le label Extraplatte à l'époque, Eugene a réédité le disque sous forme de CDR sur l'infâme label House of Chadula, ce qui est merveilleux.

ALG

Cet album n'est pas une tentative de C&W à la sauce mexicaine, ni même la suite d'un hypothétique Hot Burrito #1, mais tire tout simplement son titre d'un morceau de Graham Parson. Rien de très yankee pourtant dans ce trio au deux tiers viennois, qui évolue dans la sphère d'un free typiquement européen. Déjà invité régulier de la famille Camper Van Chadbourne, Walter Malli est de ces musiciens explorateurs avides de rencontres mais injustement méconnu (on conseillera le documentaire allemand « Malli : An Artist in Residence », qui comprend d'ailleurs un extrait de la présente session d'enregistrement). Joignant la force tranquille d'un Steve Lacy aux lignes sinueuses d'un Lol Coxhill, son jeu de soprano entrainent ses compagnons sur les terrains angulaires de l'abstraction introspective plutôt que vers les déflagrations violentes à la Brotzmann - soit une musique de l'intérieur plutôt que de l'extérieur, mais qui ne se prive pas pour autant des joies du débordement. De même leurs longues pièces improvisées se basent moins sur le déploiement des rythmes ou le développement du thème mais se construisent dans la matière et les détails. Exercice difficile et résultat inégal comme souvent dans ce type d'entreprise néanmoins captivante. « Austerbookless Days », (trop ?) longue pièce totalement improvisée et riche en revirements (faisant penser à certains travaux de Zorn) illustre les facultés étonnantes de concentration et d'interaction dont sont capables les bons musiciens, mais aussi la difficulté pour l'auditeur de s'immiscer pleinement dans leur univers et de ne pas décrocher un moment ou un autre. La guitare acoustique de Chadbourne évoque son jeu des débuts, avec sa panoplie d'effets et de bruitages obtenus sans artifices électroniques. Les passages chantés sont dans la veine de Songs, enregistré quelques mois plus tôt, avec une pointe d'humour finale dans la désopilante imitation de Kermit la Grenouille singeant Louis Armstrong, pour un « Someday My Prince Will Come » d'anthologie !