lundi 3 novembre 2008

I TALKED TO DEATH IN STEREO - 2000

I TALKED TO DEATH IN STEREO
Leo Cd LR 276

I Talked To Death In Stereo (EC) / Ochre Ringlet (EC) / Don't Happy Be Worry / (EC) / I'll never Smile Again ( Ruth Lowe) / Prophecy (Albert Ayler) / Change Has Come (Albert Ayler) / Glad To Be Unhappy (Rogers & Hart) / The Walking Dead (EC) / I've Got a Crash on You (George & Ira Gershwin).

EC : electric guitar, 5-string banjo, dobro, voice, organ, chromatic harmonica, piano, alto saxophone, drums, tapes
Eena Ballard : electric viola
Brian Ritchie : acoustic bass guitar, bugle and home made clarinet
Carrie Shull : oboe
Joee Conroy : electric guitar, violin, cello, mandolin
Steve Good : clarinets and alto saxophone
Norman Minogue : theremin and drums
Jonathan Segel : mandolin and toy instruments
Victor Krummenacher : electric bass

Où l'on retrouve la vénéneuse Nurse Eena Ballard. En fait, ce disque a été enregistré avant Horror part 2. Je pensais (préjugeant d'après la pochette) qu'il s'agissait d'un disque de collages sauvages: en fait, non. C'est une collection de petites pièces improvisées, parfois très jazz (I've got a crash on you de Gershwin, où Eugene tente d'imiter Louis Armstrong), parfois très expérimentales, comme le titre qui ouvre le disque, I talked to death in stereo, excellent téléscopage de Nurse Eena Ballard à l'alto électrique, Steve Goods aux flûtiaux (clarinettes?), Joee Conroy à la guitare électrique et acoustique, Norman Minoque au theremin et à la batterie et Chadbourne himself à la guitare électrique. Notons aussi l'épatante protest-song balkanique surréaliste Don't happy, be worry (référence inversée, donc diabolique, à Bobby Mac Ferrin et à son super tube), inspirée par le chanteur et songwriter slovène Marco Brecelj ("Bottle of nitro, going to blow up Kosovo Like a bottle of Sprite") et par une aventure vécue par Eugene et Jimmy Carl Black à la frontière entre la Croatie et la Slovénie (ils avaient observé avec étonnement une jeep lestée de deux énormes bouteilles de sprite). Eugene précise dans ses notes de pochette qu'il a proposé le morceau titre pour des ateliers avec des scolaires, pensant qu'il était relativement facile à exécuter (car constitué de motifs simples et reposant sur un principe de concentration et d'écoute mutuelle) et que le titre "provocateur" et la thématique "horrible" étaient susceptibles de plaire à des adolescents. Le principal de l'établissement, découvrant de quoi il s'agissait, a vite précisé qu'Eugene ne serait pas le bienvenu. Le titre est donc venu grossir le répertoire de son Horror part two band, et nourrit le coeur de ce disque très réussi, paru chez Leo records.
Arnaud Le Gouëfflec

Bon nombre des pièces qui composent les séries Insect and Western et Horror comptent parmi les œuvres les plus originales de Chadbourne mais aussi les plus sombres et les moins aimables malgré leur inventivité.
Cette musique distille une bonne dose d'humeur noir susceptible de refroidir sérieusement l'enthousiasme des amateurs du docteur bon vivant et farceur. Non que l'humour soit absent de ce travail, c'est un certain désabusement qui est à l'œuvre. Ainsi la pièce qui ouvre l'album, basée sur la morne répétition d'un canevas des plus basiques autour duquel s'affèrent vainement les solistes, déploie un univers quasi autiste ou chaque voix peine à trouver réponse dans ce workshop anarchique fantôme évoluant dans un flottement nauséeux proche de l'incommunicabilité, ce qui visiblement est le but recherché. Ochre Ringlet fonctionne selon le principe d'un délitement progressif de phrases décalées qui finissent par produire un effet épileptique aussi fascinant que flippant. Don't happy be Worry n'est pas le pied de nez rigolard attendu du fameux tube de Bobby Mc Ferrin mais une litanie amère qui semble aussi se dématérialiser. I Never Smile Again, certes délicieusement interprété et relevé de traits fantaisistes en plus du numéro habituel d'imitation des voix de Dylan et Armstrong, suinte nettement la déprime. Prophecy rappelle le climat d'urgence et la tension dramatique d'Ayler Undead – sorte de fuite en avant - avec sa partie de guitare affolée. La formule originale du trio avec Carrie Shull et Brian Ritchie, qui profite d'une meilleure prise de son que sur le reste de l'album, apporte enfin un peu d'air frais par son guilleret tripatouillage multi instrumental sur fond hors champ de hautbois doux amer. Mais la récréation laisse vite place aux déambulations morbides de The Walkin Dead, créature désincarnée vidée d'énergie mais paradoxalement en mouvement ad infinitum, tel qu'imaginé par la version réduite de Camper Van Chadbourne. Pour finir ce n'est pas le mélancolique I've got a crush on you (titré « « crash » sur la pochette ; faute de frappe ou lapsus ?), malgré sa superbe partie de guitare à la Eddie Chatterbox, qui apportera une touche d'espoir à cette musique décadente du vague à l'âme.
Emmanuel Girard

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