mardi 13 septembre 2011

ECs (2011)


Enregistré aux studios Psychad et paru en 2011, en même temps que Bigger Country Boobs, ECs est tout le contraire. Introspectif, parfois monotone mais toujours captivant, et surtout dédié à une forme de contemplation guitaristique que Chad affectionne particulièrement. Utilisant à plein les ressources de l'overdub, le doc empile des cathédrales de sons précaires, parfois aléatoires, fort de la maxime de Wadada Leo Smith: "I can't play and listen at the same time". Et on a parfois l'impression que Chad a enlevé le casque de ses oreilles et qu'il joue au hasard, créant des mondes sonores hautement hallucinés. La liste des instruments jouée est en elle-même stupéfiante: guitare, dobro, banjo, déclinés tous trois sous toutes les formes, charango, gumbus, bajo sexto, baclamel, orgue, caisse claire, piano préparé, triangle, synthétiseur korg, et les mystérieux "duck call" et "personal effects", qui laissent merveilleusement présager du pire. Toute cette quincaillerie, jouée en free total, vient étoffer des chansons lentes, hypnotiques, répétitives et hantées. A rapprocher de Reason et Treason, disques récents, eux aussi bricolés dans le foisonnement du nouveau studio Psychad, et eux aussi d'une étrangeté sans faille. Dernier point: ECs est un disque profondément déjanté, et qui place dans ce domaine la barre très très haut, faisant parfois passer Captain Beefheart période Trout Mask Replica pour un crooner familial.
ALG




mercredi 7 septembre 2011

BIGGER COUNTRY BOOBS - AVEC TATSUYA NAKATANI (2011)

Contacté par le percussionniste Tatsuya Nakatani, qui souhaitait "descendre dans le sud pour enregistrer des reprises de Johnny Cash", le bon docteur prouve qu'il a le sens de l'hospitalité. Enregistré à Greensboro, Caroline du Nord, dans son antre, le déjà mythique Psychad studios, Bigger country boobs est assez différent du Country Boobs plus déjanté et psyché des années passées. Ici, c'est de country et de rock'n'roll dont il s'agit: une pulsation rock parcourt tous les morceaux, et ça sonne, grâce au banjo furieux de Chad, mais aussi à l'excellent travail de Nakatani, qui se révèle un bateur plein d'inventivité, de fraîcheur, capable d'exceller dans le jeu chadbournien du dérapage contrôlé (?) country/impro pure et dure. Des classiques (Driving my life away de Eddie Rabbit, cinq titres de Willie Nelson, du Johnny Cash, le Skip a rope de Henson Gargill, par ailleurs documenté un peu partout dans l'oeuvre du docteur, et un titre de Merle Haggard) plantent le décor champêtre d'un disque bivalve country/folklore martien: le but est d'improviser autour, dedans, derrière, et de déformer les structures, pour arriver dans des bayous plein de lueurs invertébrées. Particulièrement réjouissant ici, les interventions du Evil Club, groupe de choristes dans lequel on retrouve Lizzie Chadbourne, qui transforme le Don't take your guns to town de Johnny Cash et le Boney fingers de Hoyt Axton en irrésistibles comptines diaboliques. Tout le reste est frais, plein d'énergie juvénile! Bref, ça rock à mort.

ALG



mardi 6 septembre 2011

ELECTRIC RAKE CAKE (1995)


Un bouillonnant coffret rempli de choses innommables et merveilleuses... L'aspect DIY de l'objet (photocopie collée sur carton, mais pas à la bonne taille) fait croire un instant qu'il s'agit d'un CDr: pas du tout, dans la boîte, entre un festival de feuillets épars qui constituent les pages d'un livret à l'image de l'âme du docteur, c'est à dire profondément désagrafé, on trouve deux CDs usinés du plus bel effet. De quoi s'agit-il? D'un Best of monstrueux, semé d'inédits improbables (inédits ou pas, les 3/4 des morceaux n'ont de toutes façons été publiés que sous le manteau, dans des packagings défiant les lois de l'éternel, de la pesanteur, et du bon goût - je pense aux cassettes Wombat on the way, Blues, Guitar Freakout...). On y trouve pêle-mêle des accidents guitaristiques exceptionnels, comme cet hallucinant Richmond Dobro Massacre, enregistré sur le chemin du retour des sessions de There'll be no tears tonight, où Eugene sacrifie son dobro avec une violence qui ferait rougir le cannibale de Milwaukee, des déambulations jazzistiques free, mais alors très free, du côté d'Albert Ayler (Ghosts), de Charlie Parker (Ornithology, en duo avec le banjoïste Tony Trischka), de Thelonious Monk (Let's call this, toujours avec Tony Trischka), ou d'Ornette Coleman (Blues Connotation), de la country protest (I'm an outlaw, de David Allan Coe, ou le poignant 10 Most Wanted list, entre autres), deux extraits incongrus de Vermin of the blues, avec Evan Johns, et quelques objets orchestraux non identifiés, comme ce Feel Like Panama enregistré à Toronto avec un quintet martien à base d'accordéon, cette version du Big Muddy de Pete Seeger où Joee Conroy délivre quelques notes vibratoires de sitar, instrument qu'on retrouve sur l'incongru, l'inommable Colyar de Perlas (qualifié de "traditional mexican"), joué par Ashwin Batish, au milieu d'un fatras des plus étranges et des plus fascinants (avec du piano dedans). Pour ponctuer le disque, des solos de Rake qui déflagrent la cervelle. Une anthologie assez fascinante de l'oeuvre du docteur, sans censure aucune, parue en 1995 sur le label Overtone.
ALG







lundi 5 septembre 2011

ROLLING STONE HOSTAGE INCIDENTS (E.G.O Feat Eugene Chadbourne) - 2008


ROLLING STONE HOSTAGE INCIDENTS
Live at Von Krahl, Tallinn, Estonia
2008 – AVA Musica 010

Kalle Tikas : pilot 1, solo 9
EC : pilot 2, solo 8
Paul Daniel : pilot 3, solo 7
Robert Jürgendal : pilot 4, solo 6
Tonis Leemets : pilot 5, solo 5
Mart Soo : pilot 6, solo 4
Virgo Sillamaa : pilot 7, solo 3
Jaak Sooäär : pilot 8, solo 2
Tarvo Kaspar Toome : pilot 9, solo 1

Eugene développe une idée amorcée dans la reprise de « Wild Horse » (album LSDC&W) éclaté en multiples guitares. Présenté comme un «arrangement pour 9 guitaristes» (Chadbourne + l'Estonian Guitar Octet), la performance se divise en 9 sections, chacune en combat opposant un guitariste soliste prenant en hotage le reste du groupe et son pilote leader. Pour armes un arsenal de riff piochés dans « Jumpin' Jack Flash », « Street Fighting Man », « The Last Time », « Gett off My Cloud »..., devenant matériau d'improvisation filtré au kaléidoscope, malaxé par les changements de braquet et les tours de pédales d'effets. Du rolling complètement stoned amassant mousses et champignons hallucinogènes, qui par moments ressemblerait à des sessions inédites de Pink Floyd ou Soft Machine grande époque (?!). Sans doute un des projets les plus décapants du Docteur « Voldergeist » Chadbourne qui fait la nique au Brian Jonestown Massacre.
EG