mercredi 7 octobre 2009

HORROR PART 4: THE THINGS WITH TWO HEADS


Le quatrième volet de la série Horror est un tribute à Ray Milland, acteur de films Z déjà célébré dans le volume 3. Chadbourne, dans les notes de pochette, précise que tout ce qu'il a enregistré dans sa vie l'a été sur du matériel défaillant (on le croit, mais Chadbourne sait aussi jouer avec le matériel défaillant, contrainte artistique supplémentaire et féconde) et que sa table de mix Yamaha, qu'il possède depuis les années 80, a carrément lâché pendant l'enregistrement. Il s'excusait déjà, sur l'innommable et fabuleux Dinosaur on the way, pour les pannes successives du "tape recorder". Eugene déclare que soudainement inspiré par cette mort subite de la table, il a décidé denregistrer tout le disque sur une seule piste, en direct, sans overdubs et donc sans table de mix. Horror 4 est un disque de bruitages (comme tous les autres de la série) plutôt intriguant, primitif, et surtout surprenant. Car on ne reconnaît pas bien. De quoi, peut-il donc bien jouer? On l'entend manipuler des choses diverses, et indéfinissables: il précise dans les notes qu'il joue de la guitare préparée, qu'il manipule des Cds, qu'il réutilise sans sa permission les messages que Senol Baskert, un écrivain, a laissé sur son répondeur, qu'il détruit sa défunte table à la hache, et qu'autant, à l'époque du volume 3, il a enregistré son tribute en direct en regardant The man with the X Ray eyes (avec Ray Milland donc), parce que "c'est un chef-d'oeuvre", autant cette fois, il n'a pas souhaiter le regarder une nouvelle fois parce que c'est une "grosse merde". Chadbourne témoigne ici de sa capacité à créer envers et contre tout, avec tout ce qui lui passe par la main. Musicien préhistorique, il survivrait à une apocalypse nucléaire et, dans sa caverne, graverait des disques vraiment cognés sur des rondelles de silex.
ALG

MY NEW LIFE # 1 (Cassette 1987)


MY NEW LIFE #1 (cassette 1987)

La série « my new life » est colossale, avec plus d'une cinquantaine (!) de cassettes témoignant de concerts en solo. Ce tout premier volume (sorti en 1987 à l'époque de « Kill Eugene ») fait l'effet d'une bombe. Chadbourne réalise une performance incroyable aux allures de best of où tout s'enchaine sans répit comme une attaque skud : bain d'acide hendrixien (« Secret of the cooler »), précipité beebop'n roll (« Funny how time slips away », « Parker's mood », « Dang me »), vocifération psychotique (« How can you kill me I'm already dead », reprenant un discours de Charles Manson !), concrétions extraterrestres (« Bluegrass breakdown », « Psychotic reactions »), bouillie de plunger et d'electric rake au kilo, pelotes de banjo (« Big boys with little balls », « There but for fortune » de Phil Ochs), madeleine à la Eddie Chatterbox (une version d'anthologie de « Stardust »), blues de camisole et dingueries Goofy Goofiennes (citations de « TV party »), pot-pourri en re(dé)composition (« Johnny Paycheck medley ») protest song ("Better comin out than goin in »), séance d'hypnose pré-opératoire (?) et mille autres gâteries durant ces 90 minutes pathologiques qui constituent un cas d'étude idéal pour une thèse psychiatrique !

EG

mardi 6 octobre 2009

HORROR PART 11

"It was no problem finding performers who wanted to pay tribute to the number eleven. Everyone wanted to be in on the action, so as a result the compositions Horror Part Eleven features excerpts from many of the greatest performances in the history of mankind, perfectly appropriate as there could be no mankind, and thus no history, without the number eleven."
Eugene Chadbourne

Un des volumes les plus réjouissants de la série Horror, le volume 11 est un savant télescopage entre le banjo et la guitare préparée d'Eugene, les instruments percussifs de Mark Dixon (un comparse de Greensboro), qui tape sur des éléments de machine à laver, une machine à écrire, ou des tas de petits ustensiles, et manipule de l'électronique cheap, et une pile de 1111 disques (le docteur exagère, mais il y a ENORMEMENT de lambeaux de disques collés ici et là au petit bonheur la chance). La performance a eu lieu au Gate City noise en 2005. Les extraits collés sont accélérés, flangerisés, déformés, joyeusement mutilés, et la superposition des percussions et des citations, situées à l'arrière-plan, crée une étrange féérie lysergique, comme si la BO de Bambi passait derrière un concert de musique bricolée. Les percussions sont sommaires, et évoquent le côté tribal de Chasin' the captain Jack. Le tout est censé illustrer les terrifiantes implications symboliques du nombre 11, qui aurait servi de clef secrète pour mixer et masteriser le tout. C'est surtout l'occasion de retrouver le sympathique nouveau magnéto 24 pistes du docteur, déja impliqué dans Country Boobs, Horror 12, ou Museo della musica. Un disque bien frappé, mais riche et chaleureux, où le musicien improvisé adepte des rencontres et le colleur dément des Tape Madness se télescopent idéalement.
ALG

HORROR PART 5: THE RETURN OF THE EVIL CLUB

THE RETURN OF THE EVIL CLUB - horror part 5
(8 Solos for Prepared Guitar)
House of Chadula #2002H
The Return of the Fender Champ / The Return of the Evil Club / The Return of the Thing with two Heads / The Return of the “Under the Bridge” Man / The Return of Hook Polly / The Return of Hail Mary, Mother of God / The Return of Henry Miller’s Corpse / The Return ofthe Decrepid Sawer of Bones (EC)
EC : prepared guitar

Programme alléchant avec cet album entièrement consacré à la guitare préparée, près de 30 ans après ses premiers essais. Ce qui impressionnait alors - une sorte d’équilibre miraculeux entre rigueur et excès - est malheureusement absent ici. Chadbourne continue l’aventure mais s’égare sur les chemins tortueux de l’improvisation totale, qui en l’absence d’inspiration perd l’essentiel de son attrait pour se réduire à un simple exercice technique qui tourne à vide. Sans remettre en cause l’intégrité de son engagement et l’honnêteté de sa démarche, force est de reconnaître que même avec un effort soutenu on finit par s’ennuyer ferme durant ces longs morceaux informels sans véritable structure ni transport émotionnel, d’un discours qui frise la complaisance. La recette est pourtant la même qu’à l’époque des « solo acoustic guitar » (une exploration et une extension du potentiel sonore de la guitare, développé en temps réel) mais Eugene peine à faire partager l’intérêt et le plaisir qu’il a certainement éprouvé dans ce projet. Un choix plus restreint ou un montage des quelques séquences réellement accrocheuses («The Return of the Thing with two Heads», «The Return of Hook Polly») aurait peut être pu former un bon morceau. Même si plus riche et varié que « Frankenstein on Ice » (autre grande déception), cet album fait partie des volumes dispensables de la série. Pour collectionneurs uniquement.
EG

dimanche 4 octobre 2009

21 YEARS LATER (with HAN BENNINK - 2000)

21 YEARS LATER
2000 - Leo Cd LR 324
One Year Later (EC/HB) / Love For Sale (Cole Porter) / Two Years Later (EC/HB) / Train Kept a Rollin’ (Folk Song/arr. EC) / I’ve Got a Crush on You (G.&Y. Gershwin) / Three Years Later (EC/HB) / Sacrifice (Lemmy Caution) / Imagination (Johnny Burke/Jimmy Van Heusen) / Four Years Later (EC/HB) / Five Years Later (EC/HB) / Miss Ann (Eric Dolphy) / Six Years Later/Lonesome Fugitive (EC/HB/Merle haggard) / Seven Years Later (EC/HB) / A Good Year for the Wine (Fred Burch/Tandy Rice) / Eight Years Later (EC/HB) / Corvovado (Antonio Carlos Jobim).
EC : electric guitar, acoustic guitar, 5-string banjo, electric rake, vocalsx
HB : drums

Retour sur la route des vieux briscards, 21 ans après le premier témoignage discographique en trio avec le trompettiste Toshinori Kondo (Jazz Bunker, également chez Leo), pour cet enregistrement quasi intégral d'un concert de leur tournée américaine. Si Chadbourne aime à multiplier les joutes avec batteur, cette rencontre (attendue) avec le hollandais ("from Nashville Tennesee" !)semblait inévitable tant les deux hommes partagent le goût du nomadisme, de la provocation et du musicalement « incorrect », dans une incorrigible tendance à l’anarchie et parfois au cabotinage, transcendés par une énergie et une fantaisie toujours juvéniles.
On est bien sur plus proche du travail avec Paul Lovens (Me & Paul) que de la série du Jack and Jim Show (avec Jimmy Carl Black), les percussionnistes européens étant tout deux des grandes figures de la free music « historique » et à ce titre des influences importantes pour Chadbourne (cf texte de pochette de Miss Ann) qui trouve en eux des alter ego délurés et endurants.
On ne sera donc pas surpris de la complicité liant les deux hommes qui excellent autant dans les impro folles et débridées que dans les accompagnements imparables de précision et de swing. Leur jeu multidirectionnel permet de varier les plaisirs et les registres : country, rock’n’roll, free, standards à l’ambiance chaleureuse (Love for Sale, I've Got A Crush on You) qui montre l'étendue de leur savoir et de leur maîtrise du langage jazz. comme pour Me & Paul, le concert se construit sur une alternance de reprises de chansons (de Gershwin à Motorhead !) et d’intermèdes improvisés. A noter parmi les meilleurs moments une excellente version de Miss Ann (retour aux sources pour l’un et l’autre), un très foisonnant et inspiré Four Years Later et un hilarant Train Kept a Rollin’, qui prouvent combien cette rencontre est à la hauteur de ce qu'on peut espérer de nos agitateurs, approchant ici les sommets de la folie créative du duo Bennink / Steve Beresford.

EG

TERROR HAS SOME STRANGE KINFOLKS (W Evan Johns - 1993)

Deuxième collaboration avec Evan Johns après Vermin of the blues, Terror has some strange kinfolk est aussi carré que son prédécesseur: du rock solide, charpenté par le groupe de Johns, The H Bombs, avec quelques dérapages soigneusement calibrés. Signé sur Alternative tentacles, on retrouve peut-être là l'influence de Jello Biafra, amateur de punk bien en place, parfois trop (Jello est un redneck qui s'ignore), mais Eugene fait tout de même un somptueux solo de Rake sur Achey Rakey heart, déversant son innommable sauce free sur tout ce rockabilly (à noter, d'ailleurs, beaucoup de bruit à la fin du morceau, dont des sifflets, des cuivres?, et un tas de choses qui flûtent dans le désordre). Dans l'ensemble, cependant, le disque reste bien sage: des chansons, par ailleurs très agréables, jouées par un groupe qui aime les angles droits, dans une joyeuse ambiance white trashbilly traversée de traînées de pedal-steel. Les morceaux sont alternativement chantés par Chadbourne, dans le rôle de l'inquiétant jardinier nasillard, et par Johns, dans celui du gros ours bourru whiskifié jusqu'à l'os. Gros son, album de très bonne facture, de quoi réjouir tout amateur du catalogue d'Alternative tentacles. A rapprocher plus de Prairie Home Invasion, le disque cowpunk de Biafra et Mojo Nixon, que de LSD C&W, ou de la fondue texane savoyarde de Country boobs. Heureusement, un bon lâcher de ballon frotti-frotta à la fin de Sail my ship alone, un pétage de plomb (de prostate?) banjoïsé sur I gotta pee, l'excellent Georges Bush's bones jig, réjouissante gigue acoustique et politique, le merveilleux et stupide Desert storm chewing-gum, chanté par un Chadbourne miniature particulièrement débile, un accident de travail psychédélique en plein milieu de Let'em drink while they're young, quelques gros insectes échappés des cordes du docteur, qui vrombissent parfois là où il ne faudait pas, une interlude qui n'aurait normalement pas dû être là (Missing engineer), et un Killbillies qui termine en eau de chaussette. C'est finalement sur les morceaux acoustiques, lorsqu'ils marient humblement leurs instruments et tricotent ensemble comme des joyeux artisans, que Johns et Chadbourne semblent le plus à l'aise, comme sur Got the blues and can't be satisfied, ou Living ou the country.
ALG



vendredi 2 octobre 2009

DON'T PUNK OUT! (W FRANK LOWE - 1979)




DON’T PUNK OUT !
Lp ?
Emanem Cd 4043
Composition for David Murray (FL) / If it should happen (Billy Patterson) / Fright (FL) / At Reel’s End (EC/FL) / Bobo did it (FL) / Ghosts (Albert Ayler) / The Clam (EC / Fire down there (traditional/EC/FL) / Phantom to Tower (FL) / You were right in the first place (EC) / 45 1st AVE take 1 (EC/FL) / 45 1st AVE take 2 (EC/FL) / There’s no place like home (EC) / Doctor too much (FL) / Don’t Punk Out take 1 (EC/FL) / Don’t Punk Out take 2 (EC/FL) / Inner extremities suite 1 (FL) / Inner extremities suite 2 (FL) / Inner extremities suite 3 (FL) / Cascades (Oliver Nelson) / Manhattan Cry (Don Cherry) / Open Vision (FL).
EC : guitars
FL : tenor saxophone
Duo avec une des grandes figures du free jazz américain, après une première collaboration pour l’album Lowe and Behod. Les deux hommes vivent l'entente parfaite dans ces dialogues basés sur de courtes et délicates compositions qui suivent le schéma classique - exposition du thème (le plus souvent à l’unisson), développement/improvisation et retour au thème - avec une sagesse et une simplicité trompeuses avant que ne surgissent le délire et la folie (cf. seconde partie de Fright). Lowe possède un son et un grain magnifique au sax ténor et maîtrise l’art des nuances avec une assurance à la Rollins. Chadbourne, qui se place légèrement au second plan, gagne encore en fluidité et en aisance (Bobo Dit it) dans ses accompagnements toujours différents, imaginatifs et imprévisibles. Parmi quelques perles on remarquera la superbe version de Cascades d’Oliver Nelson, l’incontournable Ghosts d’Ayler, ou le très drôle Doctor too much qui à lui seul vaut l’acquisition du disque. L’édition cd comporte six morceaux inédits : trois longues pièces à la guitare et quelques solos de Lowe datant de 1999 ou le musicien, toujours en pleine possession de ses moyens, semble avoir gagné en plénitude et sérénité. Un album sans violence ni stridences mais qui comprend son lot de dérapages contrôlés dans l’emprunt des chemins de traverse.
EG

IMPROVISED MUSIC FROM ACOUSTIC PIANO AND GUITAR (W CASEY SOKOL - 1977)

IMPROVISED MUSIC FROM ACOUSTIC PIANO AND GUITAR
1977 - Music Gallery Editions MGE Lp 9
Duo music from Calgary 7:00-3:20-3:40 (EC/CS) / In & Out 9:45 (CS) / FFFF 10:25 (EC).
Duo music from Toronto 12:55 (CS/EC).
EC : guitar
CS : piano

Professeur au département de musique de l’Université de York, cofondateur du Canadian Contemporary Music Collective, Casey Sokol est un pianiste et compositeur expert en musique contemporaine et spécialiste de l’improvisation sur scène, pratique qui rapproche naturellement les deux hommes, partageant le goût des rencontres et des aventures musicales en composition instantanée. Malgré ce terreau commun, on ne ressent pourtant pas toute la complicité qui peut unir le guitariste à des musiciens de sensibilité jazz tels que Frank Lowe ou Charles Tyler. Chacun semble ici mieux s'exprimer en solitaire, en tout cas avec plus de force de conviction. Le programme, partagé équitablement en duos et solos, débute par un développement de frottements et de percussions, dans un esprit « acousmatique », puis une belle pièce de Sokol, qui sonne effectivement très « musique contemporaine », ou se déploie la fougue et le touché fluide du pianiste. Le solo de Chadbourne est dans la veine de ses premiers albums (solo acoustic guitar vol 1 et 2) soit à nouveau une extraordinaire construction improvisée de haut vol. Dialogue plus convenu pour le dernier morceau, le moins passionnant, qui peine à retenir l’intérêt malgré quelques traits d’humour. Un album non réédité et doublement rare car seul témoignage à ce jour (avec Foxbourne Chronicles) d’une collaboration exclusive de Chadbourne avec un pianiste.

EG

CHASIN' THE CAPTAIN JACK/COMMUNICATION IS OVERRATED (2001)


Un des disques les plus fascinants du Docteur: Chadbourne a ici mélangé deux sources sonores, Chasin' the captain Jack (enregistrée en 94/95), une fantaisie primitive dédiée aux Indiens d'Amérique, avec Chris Turner à l'harmonica, Walter Malli au saxophone, et Jimmy Carl Black à la batterie (percussions), et Comunication is overrated, paru en 2000, constituée notamment d'enregistrements de sa mère, Gisela Chadbourne, rescapée de la Shoah, qui raconte ses souvenirs. Le mélange des deux est très intriguant: d'un côté, une sorte de free jazz Cheyenne primitive et martelé, ne ressemblant à rien de connu (on entend notamment Jimmy Carl Black, d'origine cheyenne justement, palmodier au loin), parsemé d'éclairs de banjo à mille cordes et d'harmonicas hantés, et traversé de bruits étranges, de bandes mâchées, de saxophones pilés. De l'autre, les souvenirs de Gisela, voix extrêmement poignante et souvenirs terribles. Le contrepoint entre les deux est mystérieusement réussi: il y a de la grâce dans cette musique, et une vraie poésie chamanique. Bien entendu, cette juxtaposition entre indiens et juifs est un acte politique, et s'inscrit dans la démarche protest d'Eugene Chadbourne. Un must, qui réussit une nouvelle fois à surprendre et à émerveiller des auditeurs pourtant vaccinés.

ALG

TEXAS SESSIONS (2000)

Le Docteur jour de la guitare, Walter Daniels harmonicise (mais de manière moins saillante que sur Texas Sessions 2, le son plus approximatif ne lui rendant pas justice), Susan Alcorn peint ses fluorescences de pedal-steel dans le fond, et David Dove joue du trombone. Le premier volet des Texas Sessions, qui persuada les gens de Boxholder de publier le volume 2 avec un budget plus conséquent, est beaucoup plus lo-fi que son successeur. C'est un disque de country, mais plus déglinguée (quoiqu'à mille lieues des pétaradages de There'll be no tears tonight), constitué de reprises de Willie Nelson (Slown down old world, Things to remember), de Doug Sahm (Everybody gets lonely sometimes, Revolutionary Ways/I don't want) et Ernest Tubb. Tout le monde est à la coule ici, et les reprises sont fidèles aux originaux, tout en flottant gentiment dans les limbes: Chadbourne ne démonte pas la mécanique, ou ne l'explose pas à coup de rake, il se contente de l'assouplir, de tirer dessus comme sur des élastiques. A noter quelques chouettes moments de divagation, sur Miss Molly (un peu de cubisme et de frotti frotta), à la fin de Over me (une légère montée d'escalier qui ne mène nulle part) et Revolutionary ways.
ALG

jeudi 1 octobre 2009

INTERSTICE


EDDIE CHATTERBOX ON BROADWAY VOLUME 1


Eddie Chatterbox on Broadway, Vol. 1
House of Chadula
I've Grown Accustomed to Her Face (Alan Jay Lerner/Frederick Loewe) / It's the Talk of the Town (Livingston/Neiburg/Symes) / The Sound of Music (Hammerstein/Rodgers) / I'm Glad There Is You (Dorsey/Mertz) / The Sky Got Flatter (EC) / I'm Glad I'm Not Young Anymore (Alan Jay Lerner) / The Spring of Next Year (Jerry Herman) / I Won't Grow Up (Charlap/Leigh) / Never Never Land (Comden/Green/Styne) / Lush Life (Strayhorn).
EC : voice, guitar, banjo

Chadbourne s’invente un double en la personne d’Eddie Chatterbox, portrait de l’artiste en jazzman. Ce énième projet solo tient une place à part dans sa production car il dévoile la face la plus sensible du musicien. Laissant de côté son personnage envahissant de docteur maboul, Eugene se livre intimement dans ces délicates interprétations de chansons empruntées au répertoire de Broadway. On sent un plaisir sincère à jouer les suaves mélodies populaires de standards, prétextes en fait à dévoiler ses fêlures. L’album diffuse un sentiment général de fragilité et de mélancolie, qui s’exprime avec justesse et pudeur dans la voix si particulière du chanteur (l’émouvant « Never Never Land ») ainsi que dans le choix des titres (« I'm Glad There Is You », « I Won't Grow Up », « I'm Glad I'm Not Young Anymore »,) ou la prise de son volontairement « en retrait ». La douce amertume n’exclue pour autant pas les fantaisies instrumentales (les pincements de corde et les accents par touches accélérées de « The Spring of Next Year » ; le franc délire de « The Sound of Music ») comme autant d’accrocs s’excusant avec politesse du propos. Chadbourne montre à nouveau sa science du jazz et déploie son inimitable style de guitare dans ce recueil sans doute le plus touchant de la série.
EG




EDDIE CHATTERBOX ON BROADWAY VOLUME 2

EDDIE CHATTERBOX ON BROADWAY vol. 2
House of Chadula #
I Hear Music / Never Steal Anything Small / There’s a Small Hotel / You Leave Me Breathless / Cock-eyed Optimist / You’ve Got To Be Carefully Taught / It Might As Well Be Spring / Maybe / Little Girls / Love / Peace on Earth.
EC : guitar, banjo, vocals

Suite des interprétations des classiques du répertoire américain dans un bon enregistrement à l’ambiance intimiste. Pas de delirium psychédélique ou abracadabrantesque mais une mise à nu intimiste de sa sensibilité aux délicates mélodies et harmonies du jazz - avec un phrasé à la fois naturel et sophistiqué qui sait faire oublier sa virtuosité (« I Hear Music ») - subtilement polluées de résidus bruitistes et d’accélération compulsives typiques du bonhomme. Un jazz parfaitement digéré, déconstruit et reconstruit à la manière cubiste, soit le développement de multiples facettes qui forment une structure éclatée mais cohérente, aux angles incongrus révélant alors les thèmes sous des perspectives nouvelles. Il prouve ici que son talent peut s’exprimer dans un registre autre que l’excès, plus recueilli, mais toujours bourré d’idées («Little Girls ») et sans oublier son sens critique politique acerbe (« Never Steal to Georges Bush II »). Son chant reste certes pour le moins approximatif mais sait trouver des accents touchants de candeur et de fragilité (« Love ») ou évoque parfois une sorte de Randy Newman bourré. S’il n’est pas un des plus spectaculaires, cet album n’en demeure pas moins très attachant et révèle sa grande richesse au fil des écoutes.
EG