mercredi 24 juillet 2013

CHASIN' THE CAPTAIN JACK (1994)


CHASIN' THE CAPTAIN JACK (1994)
EC : deering banjo, acoustic and electric guitars, electric bass, 5-string bass banjo, prepared piano, all percussion, tenor & alto saxophone, turntables, tapes, electric rake, electric plunger, electric porthole
Walter Malli : soprano saxophone
Chris Turner : harmonicas, jew harp
Werner Dafeldecker : string bass

Une pièce ambitieuse invoquant Kintpuash, chef de la tribu des Modocs surnommé Captain Jack et pourchassé à mort par l'envahisseur blanc. Un destin tragique pour un personnage symbole de résistance qui inspire doublement Chadbourne : d'abord pour un mariage rigolard et contre nature entre musiques amérindiennes et banjo redneck, d'autre part pour un travail de la mémoire : intime et familiale (témoignage de sa mère, fragments et souvenirs d'enfance), grande et historique (la deuxième guerre mondiale, la persécution et le génocide des peuples indiens et juifs), le tout pour lui finalement indissociable. Sous l'effet des herbes sacrées et de la stéréo totale, les forces tribales poussent à la transe, remuent les tripes et brouillent les esprits dans des visions dignes d'un western chamanique. Eugene surpasse ici ses collages habituels pour atteindre une densité dramatique comme rarement dans sa discographie. Et sous l'amusement du délire pointent une douleur et cri de douleur bouleversant.

EG

mercredi 17 juillet 2013

THE CONCERTO PART 4 (2012)


Le quatrième volet de la série concertos continue de creuser la veine ambient initiée par les 3 premiers, mais dans une optique ici résolument orchestrale. Par « orchestre », il faut comprendre couches de divagations instrumentales ajustées ensemble par le truchement de quelque prodigieux adhésif. Le principe est symphonique, et les musiciens jouent indéniablement ensemble, même si chacun d'entre eux semble aussi déterminé à développer sa partition malgré les autres et que le bac à sable, à force de pédaler, se mue en gadoue où ils s'enfoncent, furieux autistes s'accrochant à leur marteau. Ca s'agglutine – car, c'est une des lois de l'univers, tout peut s'agglutiner –, s'amalgame un peu comme du riz gluant, pour former à l'arrivée une grosse boule de pâte orchestrale. Aux joies de la conglutination s'ajoutent celles de la coagulation qui, une fois le résiné dégoulinescent recueilli dans la calebasse et modelé sous forme de boudin, offre un amusant effet de transparence : le son, limpide comme une rivière de colle, nappe avec onctuosité les crépitements banjoïstiques, les effets de tremolo bourdonnant de la basse de Johnny Hamill, les percuteries de Mike Dillon et les grouzibouzis electrocheap de Mark Southerland, et sauce le tout tantôt d'un épais coulis méditatif, tantôt d'une tartine de bruit dur – ce qui revient, convenez-en, rigoureusement au même. Du jazz, inopinément, remonte de ces profondeurs, et c'est l'occasion de bulles récréatives – vite éclatées. Il faut retourner fouiller, glouglouter et excaver du magma de petits diamants, sertis dans ses infinis nombrils. Anecdotes : des collages de cassettes viennent agrémenter l'écoute – interventions de Derek Bailey (je crois), morceaux de live effilochés, et Eugene a un accident de plectre.
ALG



THE CONCERTO PART 3 (2012)


Le troisième volet de la série Concertos est à placer dans la catégorie Mécanique des fluides. Le docteur y explore le  flux de conscience, sa structure, ses enchevêtrements secrets. L'auditeur se retrouve pris dans des rapides plutôt lents, quoique inexorables. Un fort courant magnétise l'ensemble du disque, à classer dans la catégorie ambient, un ambient liquide et plein de clapots/citations hirsutes de disques hétéroclites, aggravées d'interventions inopinées, de malaxage, de tripotage, de banjoïsmes et de percutations. Chadbourne brode autour du thème de sa chanson « Put me back in the river » et nous y remet sans bouée. Rivière pâteuse, légèrement précipitée, comme une sauce sous maizena, mais incroyablement rafraîchissante. Ca sent la menthe, le chanvre et le dobro, le fond de sauce ayant été au préalable chauffé à blanc, puis sauvagement déglacé à l'acide lysergique. Le docteur folâtre sur les berges molles en compagnie de nymphes giacomettiques, soufflant dans le simple appareil d'un tibia, puis plonge dans le bouillon, à la pêche aux sons, s'emmêlant dans son filet et se pêchant lui-même, atome par atome, dans l'inépuisable épuisette de son studio psychad. Un disque bucolique, qui fleure bon le vortex.        
ALG