vendredi 31 octobre 2008

THE PRESIDENT HE IS INSANE 1984

THE PRESIDENT HE IS INSANE
House of Chadula # 1984A

America Stands Tall (EC) / President Helms (EC) / Women Against Pornography (EC) / 10 Most Wanted List (EC) / Greetings from Grenada (EC) / Our Neighborhood (EC) / Happy New Year (EC) / Screw a Corpse With a Naked Dick (EC) / Dirty Harry/They Wanted Me Not to Go to Africa (EC) / Oh Mickey/I Hate Music (EC) / You're Really Beautiful (EC) / Psycho Birdcage/Beatles Birdcage/Red Ball... (EC) / Torture of Melody the Collie (EC) / Torture of Daughter and Friends (EC) / Torture of Daycare Class With Percussion... (EC).

"All recordings done solo, no other musicians, no overdubs, xcept for all of the songs. Under personal duress we were forced to include the Hank Gonzalez Orchestra on four tracks, but we are not sure which ! "
C'est le premier disque lo-fi du docteur, et le début d'une longue suite d'albums faits main, autoproduits jusqu'à l'os, au son fascinant et brutal. Avant que tout le monde ne fasse de la lo-fi, Eugene Chadbourne avait commencé, en marge de ses autres disques, à diffuser des cassettes d'une sauvagerie et d'une crudité admirables- c'est bien connu, il y a plus de vitamines quand c'est cru. En réalité, tout est parti d'un malentendu: le patron du label Iridescence, trouvant que ça sonnait très bien comme ça, a publié directement la cassette demo que lui avait envoyée Eugene, et le disque est sorti en l'état. La première partie est consacrée à des protest songs enregistrées dans la solitude d'une chambre à échos (ça réverbère parfois terriblement, et ça fait parfois penser à du Elvis confit dans la reverb - je veux dire à du Alan Vega), entrecoupées d'extraits radios stupides, comme America stands tall, critique de la position américaine lors de la guerre du Liban, et l'autre à un collage dadaïste hallucinant, hilarant, cartoonesque, semé d'éclats de piano, de guitares déflagrées, d'interventions d'animateurs radio qui s'excusent, de voix inquiétantes, de fréquences qui font mal aux oreilles, et de lambeaux sanglants du hit de Toni Basil, Oh Mickey.
Arnaud Le Gouëfflec

Version LP:

mardi 28 octobre 2008

SONGS - 1993

SONGS (MY NEW LIFE #36)
1993 - Intakt Cd 026

Hallucinations (Tim Buckley) / Knock on the Door (Phil Ochs) / Miss Ann (Eric Dolphy) / What can you do to me now (Willie Nelson) / Stars fell on Alabama (Frank Perkins) / Concertinito Pazzo-Zug (EC) / Hello Ceausescu (EC) / This cold war with you (Floyd Tillman) / People will vote for Whoever gives them food (EC) / Land of use-to-be (EC) / Thoughts of Mary Jane (Nick Drake) / Captain Hook (EC).

EC : guitars, dobro, banjo and noise

Publié sur le label Intakt, Songs est, comme son nom l'indique, une collection de chansons, interprétées par le docteur seul, accompagné de sa guitare et de son banjo. On y trouve des reprises de Tim Buckley (Hallucinations), Phil Ochs - son héros de jeunesse (Knock on the door), Willie Nelson (What can you do to me now?), un standard de jazz interprété par un peu tout le monde (Stars fell on Alabama), Floyd Tillman - celui que Willie Nelson appelait "The original outlaw" (This cold war with you), Nick Drake (Thoughts of Mary Jane) et des protest songs d'Eugene Chadbourne (Hello Ceausescu, People will vote for whoever gives them food, Land of use to be - fabuleuse chanson- et l'hilarant Captain Hook, comptine au cours de laquelle le Capitaine Crochet se transforme en Captain Bush - le père). Quelques instrumentaux également, Miss Ann, d'Eric Dolphy, et Concertinito Pazzo-Zug (Chadbourne). Le disque est sorti en complément de Strings, paru sur le même label la même année, qui est, lui, constitué de reprises d'instrumentaux jazz. Songs et Strings sont les deux faces du docteur: d'un côté un improvisateur fasciné par le monde du jazz et ses possibilités infinies, de l'autre un troubadour folk perpétuellement occupé à dénoncer, à railler, à tourner les puissants en dérision, et à affirmer un pacifisme radical (je pense au cdr I support the troops and i want my money back, sorti récemment chez House of Chadula). Eugene Chadbourne excelle dans les chansons politiques parce qu'il n'oublie jamais l'humour, qui est le plus puissant corrosif.
Arnaud Le Gouëfflec

Grâce à une parfaite maîtrise instrumentale au service d'un esprit débridé et plus que jamais inspiré (le début des années 90 semble être une période faste), Chadbourne est au sommet de sa forme : reprises et interprétations très libres laissant la place aux improvisations fulgurantes, digressions ou débordements faussement intempestifs, humour caustique (Captain Hook, Hello Ceausescu), parodie irrésistible de standards (Star Fell on Alabama), développement harmonique virtuose (People will vote, Land of use to be) et délicatesse mélodique (Thoughts of Mary Jane), protest song (Knock on the door), délires cartoonesques (Concertino Pazzo-Zug, dédié à Ozzy Osbourne ( ?) et bouffonneries vocales (Captain Hook, Ceausescu), quelques une de ses meilleures compositions originales (Land of use to be, People will vote) souvent jouées en concert.
Parmi les sommets de l'album, Hello Ceausescu, sur la base de Hello Dolly, est une satire du dictateur en même temps qu'un hommage à Armstrong (et non l'inverse !). Le détournement de standard ou d'une mélodie légère au service de texte ironiques ou sarcastiques, est un procédé récurent (cf Captain Hook, plus récemment Girl from Alkaida) et redoutablement efficace pour porter un message contestataire sous des airs de parfait entertainner.
Pour ne rien gâcher la qualité de l'enregistrement est superbe et permet d'apprécier pleinement l'acoustique et la mécanique des instruments ainsi que les moindres nuances de jeu.
Chadbourne a une grande expérience du solo et donne ici le meilleur de lui-même, toujours intense, complexe et ludique.
36ème (!) volume de la série My new life, Songs est un album incontournable qui constitue une bonne introduction à sa musique.
Emmanuel Girard

POSSIBILITIES OF THE COLOR PLASTIC - With Toshinori Kondo (1979)

POSSIBILITIES OF THE COLOUR PLASTIC
1979 - Bellows Records 002

More than just the music (Live at the Laurel Theater, Knoxville, Tennessee)
How to kill the mind (Live at the Last Hurrah, Washington, D.C.)

EC : electric guitar, dobro, vocals.
TK : trumpet, alto horn, mutes, percussion.

Un disque de musique improvisée enregistré en duo avec le trompettiste japonais Toshinori Kondo, une des figures majeurs de l'impro au Japon. Le docteur joue de la guitare électrique et du dobro, et Kondo de la trompette, de la trompette bouchée et du cor alto, mais je les soupçonne de jouer aussi avec des trucs en plastique et des ballons gonflables. Le disque comprend deux titres d'une vingtaine de minutes chacun: More than just the music, et How to kill the mind, respectivement enregistrés au Laurel Theater, à Knoxville, Tennessee et au Last Hurrah, Washington D.C, en Juillet 1979. Une chronique parue dans le Melody maker cette année-là relate un concert des deux musiciens au "Berlin’s annual Total Music Meeting": "There is a flow between them which is sometimes competitive and provocative, sometimes supportive and complementary. They keep up a high level of tension, even during the process of selection of instruments. These changes are sometimes transparently obvious, sometimes confusing and irritating." Et le journaliste d'ajouter que le public (environ 800 personnes) se sont moqués d'eux. C'est qu'il y a de l'humour dans ce duel, et les interventions vocales de Chadbourne n'y sont pas pour rien. Le disque est un réjouissant feu d'artifice de sons improbables (comment peut-on faire des bruits comme ça avec si peu d'instruments?), tiré d'un bac à sable martien.
Récemment, House of Chadulah a publié un CDR (pochette artisanale), intitulé Where is Kondo? Eugene Chadbourne en a eu l'idée après avoir vainement tenté de retrouver la trace de Toshinori Kondo (il souhaitait lui proposer de ressortir Possibilities of the color plastic) et y a compilé des sessions datant de 1978/1980 qui, selon lui, constituent "l'une des performances les plus cinglées de tous les temps". Il ajoute avoir longtemps été terrorisé par ces bandes et n'avoir pu les écouter que par petits bouts. Désormais, la boîte de Pandore est ouverte au public.
Arnaud Le Gouëfflec

Chadbourne retrouve le trompettiste japonais pour une série de concerts en toute liberté. Loin de s'assagir après la déferlante English Channel, nos joyeux drilles se payent une bonne tranche de rigolade en foutant le bordel, mais sans pour autant faire acte d'agressivité. Ici l'improvisation ludique poussée à l'extrême est la fuite en avant de deux musiciens décomplexés qui pour l'heure laissent de côté leur part d'ombre et retrouvent l'exaltation enfantine de l'invention spontanée, dans un esprit qui n'est pas sans rappeler les frasques du duo Steve Beresford / Han Bennink. Bien sur ça part dans tous les sens et on pourra trouver que la formule a ses limites malgré la vitalité d'inspiration. Pourtant ils réussissent sans filet et avec brio leur numéro de clown auguste, sans crainte du ridicule, ce qui les rend d'autant plus sympathiques. On devine que le spectacle est aussi visuel (More than just the music) dans ce bric à brac fantaisiste ou les possibilités rythmiques et percussives des instruments sont mises en avant au même titre que le travail sur les sonorités. Afin de reposer (?) l'auditeur, ils nous gratifient quand même de quelques dialogues guitare / trompette plus orthodoxes. Au final une jolie rondelle de plastique noir pour un album haut en couleurs.
Emmanuel Girard

jeudi 23 octobre 2008

THE JACK AND JIM SHOW - TRIBUTE TO JESSE HELMS

THE PERFECT C&W DUO's TRIBUTE TO JESSE HELMS and other noted senator's of right wing persuasion
House of Chadula
Inkanish Cd-R
1995 June - Greensboro, North Carolina

You Ain't Woman Enough (Loretta Lynn) / If I Had One (Tom T. Hall) / A Call From Elizabeth Dole (EC) / Nightmare on Helms St. (EC) / Dirt (EC/featuring Moll and Liz) / Medley : Trail of Tears (JCB) - Cherokee Trail of Tears (J.Littlefeather) / An American National Anthem (JCB) / Don't Ask Don't Tell (EC) / Dorothy Helms and Cuban Cigars (EC) / Today's Gun Permit (EC) / Help, I'm a Plunger (EC/JCB) / Or Help, I'm a Windshield Wiper (EC/JCB) / I Like The Way You Talk, Man (EC) / Put a Hit on a Bubble (EC) / Brother, Can You Spare a Dime ? (E.Y. Harburg/Jay Gorney) / My Pencil Won't Write no More (M.Waters).

EC : guitar, banjo, vocals, various instruments, multirecording
JCB : drums and vocals
Lizzie & Molly Chadbourne : vocals

The Jack and Jim Show, c'est le nom du duo que forment depuis quelques années Eugene Chadbourne et Jimmy Carl Black, l'ancien batteur des Mothers of Invention ("The indian of the group"). Duo à l'humour totalement dévastateur, à la complicité communicative. Jimmy Carl Black le dit: "Personne ne joue comme Eugene." Et Eugene déclare: "Jimmy est une légende!" Sur ce CDr (qu'on trouve simultanément - sous deux pochettes différentes - sur House of Chadula, le label du docteur, et celui de Jimmy Carl Black, Inkanish records), les deux amis se lancent dans un féroce (et le mot est faible) tribute au sénateur Jesse Helms, ancien sénateur de Caroline du Nord, contre lequel Chadbourne doit avoir une dent particulièrement dure, puisqu'il est le héros, involontaire, de plusieurs de ses disques (dont le fameux Jesse Helms busted for pornography). Ici, le vénérable conservateur, ancien démocrate passé aux républicains, est véritablement éreinté par Chadbourne, qui chante d'une petite voix sous hélium: "My name is Jesse Helms, I won' t masturbate...", ou laisse planer de grivois sous-entendus sur Dorothy Helms and Cuban cigars (on sait ce qu'évoque "Cuban cigars" dans l'esprit d'un américain, notamment suite au scandale Clinton - pas George, Bill). Jesse Helms, qui est mort depuis, n'en finit plus de se retourner dans sa tombe, et Chadbourne semble déterminé à le tourmenter par-delà les siècles des siècles. Le disque est un réjouissant parchwork d'enregistrements lives, où le banjo de Chadbourne et la batterie de Carl Black posent les fondations de protest-songs anti-Helms, tantôt chantés par l'un, tantôt par l'autre, et parfois par les filles d'Eugene Chadbourne.
Arnaud Le Gouëfflec

Présenté comme un concept album autour du sénateur ultraconservateur et baptiste fervent, cible privilégiée régulièrement épinglée (entre autres Jesse Helms Busted for Pornography), ce projet diffère des oeuvres habituelles du Jack & Jim Show par l'importance du travail de mixage en « post-production », déjà employé pour Pachuco Cadaver mais selon un procédé encore plus développé ici. Seul aux manettes, Chadbourne utilise les bandes live ou studio comme matière première enrichie par l'addition de nouvelles pistes avec, selon les cas : voix, guitares, basse, percussions, sax et événements divers qui ne sont pas de simples arrangements supplémentaires mais les outils d'une véritable transformation de la musique du duo, qui se révèle sous de nouvelles dimensions, synthèse astucieuse entre l'efficacité directe de la formule originelle et les surprenantes richesses des montages incongrus. Le résultat est donc à la fois excitant pour les sens et réjouissant pour l'esprit. Nombreux sont les moments forts avec notamment le rugueux Dirt, Nighmare on Helms street, le « joli » duo avec sa fille Don't Ask Don't Tell ou Put a Hit on a Bubble, la voix rocailleuse extraordinaire de J.C.B. dans Trail of Tears. On trouve aussi un Today's Gun Permit très enlevé (seule prise laissée dans son jus d'origine), un titre de Muddy Waters bousculé par un solo de guitare complètement dingue, une reprise du Help I'm a Rock de Zappa (changé à l'occasion en Help I 'm a Plunger ou Help I'm a Rake) comme toujours irrésistible. Au final peu de moments de faiblesse sinon une version dispensable du standard jazz Brother Can You Spare a Dime ? Chadbourne livre sans conteste un de ses disques les plus géniaux et à part dans la production (parfois routinière) du Jack & Jim Show, largement documentée par ailleurs.
Emmanuel Girard

CHADBOURNE AUCTION HOUSE

Chadbourne Auction house, avec son packaging fait main, servi dans sa pochette plastique transparente, est une compilation sous-titrée: "Fascinating archives recordings- More than 35 years". On trouve en effet sur ce disque (un CDr sorti chez House of Chadula) des titres datant de l'époque où Eugene Chadbourne vivait à Calgary, au Canada (pour échapper au Vietnam): une reprise du Dust my broom d'Elmore James, de Love minus zero no limit de Bob Dylan, et même un titre de 1969 (Song to the saviour, enregistré à Boulder, où Chadbourne faisait ses études). Le reste est extrait de cassettes des années 90 (des thèmes de jazz joués à la guitare acoustique ou au banjo), d'un live de 2006 à Brest (France) au Festival Invisible (avec Jimmy Carl Black en guest et le groupe brestois Monstre en backing band): Banjo Sam (un thème traditionnel joué au banjo), Why don't we do it on the road (chanté/rugi par Black et Chadbourne, avec une jubilation non-feinte) et Angels of reality, composée par Chadbourne et écrite par Lizzie, sa fille. Plus une reprise d'Ornette Coleman (Psychotic peace warriors), un home recording (Theme from Membrane), et une reprise de Sky Saxon, le leader du groupe garage psyché The Seeds, Sky saxon's city of corruption. Un joyeux fourre-tout, qui fait penser à une arrière-boutique de droguiste drogué où s'entassent pêle-mêle les mille et une pièces de ses collections .
Arnaud Le Gouëfflec

HORROR PART SIX: FRANKENSTEIN ON ICE

FRANKENSTEIN ON ICE - horror part 6
House of Chadula #2003A

Frankenstein Lives in Fear / On Ice / Much More Remains To Be Done / On Ice / Much More Remains On Ice / To Be Done On Ice / On Ice / The Loophole / Inspection of Detention Centers / Frankenstein On Ice / In Fear / On Ice (EC).

EC : prepared lap steel and prepared guitar, field recordings.
Cameo appearances by Lizzie, Molly, Rachel, Robin and Dirk.

Le sixième volet de la série Horror (qui rassemble les enregistrements "intimes " du docteur Chadbourne, c'est à dire qu'il s'agit d'une sorte de journal intime lo-fi bricolé, égrené sur 12 volumes - sous le prétexte de développer des bande-sons imaginaires de films d'horreur imaginaires) est censée illustrer un film intitulé Frankenstein on ice (un mélange de Mary Shelley et de Yéti?). C'est un disque ambient au sens propre: de longues plages où l'on entend Chadbourne tripatouiller un banjo préparé, capturer des sons de glace qui tombe des branches des arbres de son jardin, ou les voix de ses filles qui crient, rient. Un disque domestique qui s'écoule comme le fleuve invisible du quotidien.
Arnaud Le Gouëfflec

Si Chadbourne nous a habitué aux sensations fortes et à une certaine constance dans la créativité, force est de constater le manque d'enthousiasme à l'écoute de ce sixième et peu convaincant opus de la série « Horror », pourtant doté d'un titre alléchant et prometteur. La créature en question est un assemblage fait maison de pièces pour guitare préparée et d'ambiances sonores captées directement au micro, sans travail de mixage. Outre les chiens du voisinage et les cris de délire des filles Chadbourne et de leurs amis, sensés évoquer les séries Z du genre, le grouillement sonore tend à se réduire à la pluie incessante (ou est ce le bruit du magnéto ?) d'un climat léthargique, image réductrice et non-conforme de l'état de confusion mentale si bien exprimée dans les films. Certes Chadbourne renonce ici aux effets spectaculaires faciles (pas d'étrangetés bruitistes ou de distorsions électriques) et à la démonstration de virtuosité, mais il accouche au final d'un monstre sans vie et sans énergie, ou même les pièces pour guitare souffrent d'un manque d'inspiration et font figure d'un vain exercice de style qui à force de se répéter peine à retenir l'attention et l'intérêt dans la durée. Une production qui reste donc anecdotique dans sa discographie ; un album dispensable qui ne retiendra l'intérêt que des collectionneurs.
Emmanuel Girard

mercredi 22 octobre 2008

THE DOC CHAD BANJO BOOK

"Chadbourne, who is not your grandfather’s type of banjo player..."
Jazzreview.com

House of Chadula # 2004D

Old Blue (trad.) / The Johnsons (Trad.) / Serenity (John Coltrane) / Sweet William (Trad.) / Beverly Hillbillies Theme / Dueling Banjos / Dueling Colonel / Doc Chad's Appearance with ARU Gets The Dean Beneditti Treatment / Georgia Buck / Higway Breakdawn / Going Across The Sea / Volunteered Slavery (Roland Kirk) / Flint Hill Special / Rattler / The Johnsons / Nazi Punks Fuck Off (Jello Biaffra/Dead Kennedys) / Cumberland Gap

EC : deering goodtime banjo, voice, a tiny bit of electric guitar
Jindrich Biskup : percussion
Martin Klapper : toys, electronics
Han Bennink : drums, voice
Colonel Bruce Hampton, Ret : voice, chazoid
Jeff Sipes : drums
Oteil Burbridge : bass
Jimmy Herring : guitar
Thomas Lehn : analog synthesizer
Carl Johns : drums, vocals
Stephen Burke : mandolin, vocals
Lisa Maerae Hinzman : bass, vocals
Biff Blumfumgagnge : fiddle

Comme son nom l'indique, The doc chad banjo book est une collection de morceaux banjoïdes, à conseiller aux amateurs du genre, quoique les passionnés de musique des Appalaches risquent d'être surpris par le duo banjo/dictée magique, ou par les nombreux dérapages non-homologués qui parsèment cette anthologie. Sur la pochette, Chadbourne a précisé au marqueur: "Famous banjo pieces solo and with light instrumental accompaniment". Ce "light instrumental accompaniment" est particulièrement inquiétant. J'aime notamment Old blue, qui raconte l'histoire d'un chien, ou l'envoûtant Serenity, méditation au banjo qui nous rappelle soudain que le banjo est cousin de la cithare, et que les cordes pincées ont un pouvoir d'hypnose - du moment qu'on sait les pincer comme il faut. Enfin, Nazi punks fuck off, reprise des Dead Kennedys, dans une version live particulièrement réjouissante: on est très loin de la version de Napalm Death, qui exploitait le potentiel death metal du morceau (hardcore à l'origine). Là, c'est leur côté Appalaches qui ressort (Jello Biafra est un redneck inversé): le morceau est joué avec une dextérité sautillante, un peu comme si, juste avant de monter sur scène, Chadbourne avait respiré de l'essence de cartoon.
Arnaud Le Gouëfflec

THE FOXBOURNE CHRONICLES - E. CHADBOURNE D. FOX (2005)

Un beau disque de musique improvisée, mais aussi écrite. David Fox, pianiste de Greensboro, livre ici deux de ses compositions, Sonate pour banjo et piano (mais il est précisé: quasi improvisée), et Chantarelle et Chardonnay (tout un programme!), tandis qu'Eugene reprend (et chante) One of these things first de Nick Drake. Pour le reste, une reprise du classique Secret love, de Time remembered de Bill Evans, une séance de plomberie (Two plumbers), et pour finir, Spending eternity with Patsy Cline (avec des chanterelles et du chardonnay - et Patsy Cline, l'éternité n'est plus un problème). Le disque, d'une grande pureté sonore, a été enregistré dans la chapelle du College de Greensboro: le son est excellent, et les musiciens se répondent l'un à l'autre en entrecroisant banjo, piano et silences.

mardi 21 octobre 2008

Le songbook d'Eugene Chadbourne

HORROR PART THREE: THE MAN WITH THE X RAY EYES


"The third volume in my Horror series is a complete soundtrack for one of my favorite Roger Corman films: "X-the man with the X-Ray Eyes"

Bande-son virtuelle d'un film d'horreur de Roger Corman, le troisième volet de la série Horror ne déroge pas à la règle: il est constitué de collages sonores à foison. Ici, le disque est servi dans un packaging original: une chaussette glissée dans un sac plastique. Le Cd est dédié à Ray Milland, l'acteur qui interprète le rôle titre (Le Dr Xavier, héros du film). Eugene explique qu'il a utilisé des démos ou des extraits de disques qu'on lui a envoyés pour bricoler cette monstruosité. Et il justifie ces emprunts par cette phrase: " It's okay, because Dr. Xavier must see the entire musical universe." Une certaine Nurse Eeena Ballard est créditée à l'alto électrique. Le disque est une longue divagation banjoïque, altoïque, parsemée de collages comiques (boîtes à rythmes, cornemuse, jingles pétaradants, etc...): plus que la bande-son d'un film de Roger Corman, ce disque est le reflet en temps réel de ce qui se passe quand on reste enfermé avec nurse Eeena Ballard dans un pièce pendant 72 minutes. Un des morceaux s'intitule: coffee with nurse Eeena Ballard. On n'ose imaginer ce que le docteur a pu verser comme substance dans ce café. Peut-être du jus de chaussette.

SHOCKABILLY - COLOSEUM (1984)

1984
Rough Trade 68
Shimmy Disc (?)

Our Daily Lead (EC/Kramer) / Byob Club (EC/Kramer) / Roman Man (EC) / Too Big For It’s Cage (EC/Kramer) / 8 Miles High (Mc. Guin) / Dang Me (Roger Miller) / Secret Of The Cooler (EC) / Hattiesburg, Miss (EC) / You Dungeon My Brain (EC) / Homeward Bound (Paul Simon) / Nationnal Bummer (EC)

EC : guitars, voice
Mark Kramer : cheap organ, voice, tapes
David Licht : percussion

Deuxième album studio de Shockabilly (trio Chadbourne/Kramer/Licht), Coloseum est un millefeuilles explosé: partout plane l'ombre d'un psychédélisme particulièrement virulent (le premier simple de Shockabilly était une reprise du Psychotic reaction des Count Five - ce qui veut tout dire, et le titre colle à merveille à cette ambiance épileptique et cogne-toi-la-tête-contre-le-mur). Mention spéciale pour You dungeon my brain, inexorable et fascinante descente au fond de je ne sais quoi. L'album original est réédité par House of Chadula (la petite fabrique maison du docteur - Cds gravés, pochettes bricolées), et compte dans cette version, en plus des 11 titres originaux, 11 titres live, enregistrés au Joe's Star Lounge (Ann Arbor, Michigan). Le concert s'ouvre par un Eugene Chadbourne menaçant et hystérique, brandissant son célèbre "rateau électrique" et hurlant à qui veut l'entendre "It's the rrAAke!!!", comme s'il sortait la tête de pharaon d'un chapeau. Le disque se transforme ensuite en un dessin animé trempé dans une fondue au LSD, plein de souris rongées comme des électrodes plantées dans le coeur du Grand Fromage.
ALG

L’aventure Shockabilly se prolonge dans des tournées épiques alignant plusieurs centaines de concerts (voir Shockabilly Live). Dans ce troisième disque le groupe calme le jeu et enrichit sa musique qui gagne en complexité et diversité ce qu’elle perd en sauvagerie. L’ensemble n’a peut être pas la force d’impact et la cohérence de leurs premiers jets soniques mais s’inscrit dans une veine moins monolithique et somme toute plus intéressante. Kramer développe son registre et ne se contente plus d’assurer la basse, même si Chadbourne reste l’architecte en chef du projet et signe encore la majorité des titres originaux. Bien qu’inégal, l’album réserve son lot d’instants chavirés et de moment précieux. Pour preuve l’élevé « 8 miles High » et ses traînées incandescentes de guitare planant à haut niveau. Proche réminiscence de l’époque de The Chadbournes, l’auberge espagnole de « Dang Me » mérite à elle seule le détour, avec son insert gaguesque citant le Mariage de Figaro. « Secret of The Cooler » - un classique de Chadbourne - fascine par son rythme lourd, rampant et vicieux, tandis que «You Dungeon my Brain » file des frissons étranges. L’album comporte aussi plusieurs ballades acoustiques inhabituelles : « Our daily Lead », « Roman Man », ou « Hattiesburg, Miss » qu’on jurerait sorti des sessions de Country Protest.
EG

HOW TO KILL Volume 2


"Allo? Je m'appelle Eugene Chadbourne. "
"Ah oui, et qu'est-ce que vous jouez?"
"Country, protest, des trucs psychédéliques, du jazz , du blues."
"Et du hardcore?"
"(...)C'est une idée intéressante."

How to kill, volume 2 est une collection de chansons et de collages sonores: on y retrouve des reprises de 8 miles high des Byrds, de I must have been blind de Tim Buckley, Oh Yoko de Lennon, Purple Haze, Lucifer Sam de Pink Floyd, et des titres hilarants comme "Big boys with little balls", "Women against pornography", et une version sauvage de "How can you kill me i'm already dead". Il ne faut pas se fier à la tracklist, écrite au marqueur sur la pochette: elle s'arrête à la plage 16, alors que le disque continue bien après: sur ses CDRs, Eugene Chadbourne ne gâche rien, et la musique court souvent jusqu'aux limites physiques du support. Sur la pochette, ces lignes sibyllines: ""Dear Eugen, what you did was not very nice. So i am going to kill, KILL, KILL, asshole". Un disque lo-Fi plein de banjo, de collages d'émissions de radio, d'humour, de conversations téléphoniques et de chansons jouées avec ferveur, comme ce "In the cemetary", chanson country inquiétante et guillerette en même temps, chantée avec la légèreté d'une petite promenade innocente, quoique définitive: "in the cemetary, reading the inscriptions on the tombstones".
Arnaud Le Gouëfflec

German Country and Western - Eugene Chadbourne plays Bach

"Boring times waiting to go onstage don't have to be boring if one develops hobbies."
Eugene Chadbourne

Bach : Sonata and Partita No. 1 for Violin Adapted for 5-String Banjo
Sonata No.1 : Adagio / Sonata No.1 : Fuga / Sonata No.1 : Siciliana / Sonata No.1 : Presto / Partita No.1 : Allemande / Partita No.1 : Presto / Partita No.1 : Sarabande / Partita No.1 : Double / Partita No.1 : Bouree / Partita No.1 : Double.

La première Sonate et la Partita 1 de Bach "adapted for 5-string banjo". German country and Western. On a peine à le croire, et pourtant tout est dit: rien n'arrête le bon Docteur dans sa fringale de reprises, de réinterprétations, de malaxage des morceaux des autres. De son propre aveu, il a commencé à travailler ces morceaux en tournée, dans les chambres d'hôtel, par des après-midi pluvieux et déprimants, dans le but de tuer l'ennui et combler les longues heures d'attente qui précèdent le concert du soir. Eugene aime lire la musique, c'est pour lui un "hobby", et il possède un exemplaire des partitions de Bach. Il raconte qu'en adaptant ces pièces pour le banjo, il s'est trouvé obligé de transposer certaines notes qui n'existent pas sur l'instrument. Il précise aussi qu'un tel disque lui a demandé plus de temps de préparation, notamment spirituelle, que ses autres albums. Lire et interpréter de la musique écrite, c'est le violon d'Ingres d'Eugene Chabdourne. Et à l'écoute de ce disque, tout intérieur et tout méditatif, on se souvient que Bach, avant d'être une gymnastique pour virtuoses, c'est d'abord de la musique sacrée. Lorsque le disque s'arrête, on est pris dans la méditation comme un insecte dans la résine.
Arnaud Le Gouëfflec

dimanche 19 octobre 2008

INSECT AND WESTERN SERIES


Sur le site d'Eugene Chadbourne, on peut acheter un coffret de 8 CDS uniquement consacrés aux insectes. Les Insect et Western series en un seul objet, fait main, Insect Attracter, Worms with Strings et Beauty and the Bloodsucker (tous trois dans leur version CD), puis The Bedbugs CD-R, sur lesquels Eugene joue avec des jazzmen de St Petersbourg et de Floride, et enfin quatre surprises: Sacred Insects of Ancient Egypt, donc, Butterfly Garden (un double), dirigé par Keiji Haino à The Stone, New York City en Mai 2006, et un disque d'inédits, dont the Emotional and Intellectual World of the Cockroach, une nouvelle version de the Worms With Strings et une version française (sic) de Sacred Insects of Ancient Egypt. Le tout pour 125 dollars (frais de port compris). Après Jean-Henri Fabre et Maurice Maeterlinck, le docteur Chadbourne fait son entrée au panthéon des poètes entomologistes.

HORROR PART TEN: CONCERT BAND MASSACRE BY EVIL SPELL

"An evil Satanic ritual conducted by a cheerleader causes a concert band director to have new evil powers."
Eugene Chadbourne

La série Horror, qui doit compter une douzaine de titres, comprend des enregistrements lo-fi, dont le principe est d'évoquer des bande-sons imaginaires de films d'horreurs imaginaires. Cette fois, Eugene s'attaque à une pile de disques achetés dans une convention et enregistrés dans sa ville de Greensboro par le Grimley High School Concert band, un orchestre scolaire. Pas de banjo, pas de guitare cette fois, juste des tournedisques et des manipulations. Après avoir réfléchi plusieurs mois à la meilleure manière de combiner tout ça, après avoir imaginé un système de petits morceaux successifs, il choisit de ne développer qu'une seule longue plage ("no track divisions, no opportunities to escape"). Eugene Chadbourne raconte volontiers cette anecdote de sa jeunesse: un jour qu'il était en train d'écouter un disque de Beefheart, sa mère entre dans sa chambre et lui demande: "Mais pourquoi écoutes-tu plusieurs disques en même temps?". Cette fois-ci, il la prend au mot, et Horror part ten commence par une superposition de pièces orchestrales jouées en même temps: tout au long du disque, Eugene mutile ces symphonies scolaires, arrête les disques, les bloque, les superpose, les mélange, et l'on se perd bientôt dans ces polyphonies déréglées. Il avoue avoir été tenté de contacter des membres de cet orchestre, ou même son chef, Herbert Hazelman, mais, précise-t-il, la "peur" l'a emporté. La peur que tous ces musiciens attaquent son studio avec des torches et y mettent le feu. Faut-il voir dans ce disque une vengeance de la part du bon Docteur, qui précise avoir été exclu de le la Boulder High school après avoir perturbé le repas de Noël en lançant, sous l'effet d'une forte absorption de rhum, des dents de vampire sur les gens? Il souhaitait ainsi manifester son opposition à son professeur de musique, qui n'appréciait pas de le voir improviser au piano au lieu de travailler ses gammes.

Arnaud Le Gouëfflec

SACRED INSECTS OF ANCIENT EGYPT

SACRED INSECTS OF ANCIENT EGYPT House of Chadula # 2007
Sacred insects of ancient Egypt (EC)
EC : banjoBarry Mitterhof : mandolinStephanie Rearick : pianoEvan Gallagher : percussion, cheap electronics, keyboadsJessica Pavone : violaMary Halverson : electric guitar

Sacred Insects of Ancient Egypt fait partie de la série Insect and Western, c'est à dire qu'il prolonge les obsessions entomologiques du bon Docteur, déjà largement diagnostiquées sur Insect attracter, Beauty and the bloosucker, Worms with strings, etc... En fait, toute une partie de l'oeuvre d'Eugene Chadbourne est consacrée aux insectes. Il a sûrement trouvé l'idée dans son banjo, comme d'autres trouvent des chansons dans leur guitare: à force de gratter les cordes, de crépiter des ongles, de plier et déplier les doigts comme des mandibules, sans doute que la lumière entomologique lui est venue. Pourtant, cet album n'est pas un festival d'abdomens criquetants ou d'ailes vibrantes, ou de grésillements venus des tréfonds noueux de la termitière: c'est un disque plein de poésie, apaisant et méditatif (quoique tout de même très insecte, mais ce sont des crépitements méditatifs, des grizouillis poétiques - les insectes ont eux aussi droit à la méditation). Il est composé de deux longues plages inprovisées autour de compositions d'Eugene lors de la Chadfest (le Festival organisé autour de Chadbourne à New York), à The Stone, la salle de John Zorn. Eugene Chadbourne joue du banjo, Gerry Mitterhof de la mandoline, Stephanie Reatrick du piano, Evan Gallagher des percussions, de l'électronique "à pas cher" (sic), des claviers, Jessica Pavone de l'alto, et Mary Halveson de la guitare électrique. Le son est excellent et le résultat est somptueux et passionnant.

Arnaud Le Gouëfflec


Avec la série Insect & Western, Le docteur Chadbourne invente une nouvelle discipline : l'ethnomusicologie entomologiste, pseudo science abordée en travaux pratiques, simulant les échanges et relations entre individus, en l'occurrence du genre vorace, défiolateurs de partitions. L'observation minutieuse à la loupe de ces grouillements incessants d'articulations invertébrées permet de suivre la logique comportementale apparement désordonnée des individus-instrumentiste. Chadbourne en est un membre à part égale qui fixe au départ les lois qui régissent le milieu. Bien que librement fantasmée, cette vision d'une société chaotique et inhumaine trouve forcément son écho dans notre monde...Ce disque est l'enregistrement d'une partie d'un des concerts captés par Robert O'Haire lors du Chadfest de 2007 à New York, au club The Stone.

Emmanuel Girard

WHERE'S THE STAGE